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mortn'existait pas, pas plus d'ailleurs que la psychanalyse. Et de deux choses l'une: â Ou bien la psychanalyse n'est qu'un ramassis de notions dispa-rates Ă©culĂ©es par l'usage, qu'on peut employer en suivant les fluctua-tions de l'idĂ©ologie Ă laquelle nous sommes assujettis et
Le dĂ©ni de la mortPatrick Baudry Professeur de sociologie UniversitĂ© Bordeaux 3 Le dĂ©ni de la mort est une notion introduite par Louis-Vincent Thomas. Il mâa semblĂ© important de prĂ©ciser ce quâelle signifie dans la mesure oĂč elle me semble mal comprise, et surtout que, depuis cette mauvaise comprĂ©hension, elle vient servir Ă lâoccultation des travaux de Thomas, Ă sa rĂ©duction et Ă son oubli. On essaiera ici de rester calme. Mais il faut tout de mĂȘme souligner que ce processus de mise en disparition dâun auteur majeur au prĂ©texte dâune expression incomprise et de la pseudo explication dâun processus historique qui justifierait de la nĂ©cessitĂ© de son dĂ©passement est proprement scandaleux. Je ne ferai pas ici la liste des personnes qui croient pouvoir citer Thomas avec cette seule expression », et pouvoir, dans le mĂȘme temps, puisque la thĂšse du dĂ©ni de la mort serait obsolĂšte, justifier sa mise en disparition. Une notion sâĂ©labore. Elle ne tient pas dâune astuce verbale. Elle a vocation dâanalyse. Elle nâest pas quâun mot quâon voudrait imposer avec la prĂ©tention de saisir tout momentanĂ©ment une Ă©poque, ou plus prĂ©tentieusement le tout d'une sociĂ©tĂ©. Elle a pourtant intention de comprendre une logique et dâanalyser des tendances fortes, de rendre compte de structures. Elle nâest pas rĂ©ductible donc au sentiment dâun auteur qui croirait pourvoir interprĂ©ter des phĂ©nomĂšnes et les lier Ă sa guise pour en produire une apparence qui devrait convaincre. Elle est une mise au travail dâune idĂ©e qui nâest pas quâune opinion. Lâopinion peut croire quâelle a raison et quâelle aura raison des faits » quâelle aurait enregistrĂ©s. LâidĂ©e peut en sa formulation sembler pĂ©remptoire, mais elle nâest pas autoritĂ© qui se dĂ©guise en science, Ă©vidence qui se donne comme enquĂȘte, bon sens qui se reconstruit en audace ou critique. LâidĂ©e appelle Ă sa propre discussion, interroge le pĂ©rimĂštre de sa validitĂ©, sâinquiĂšte de sa genĂšse mĂȘme, doute radicalement de sa fondation. Elle porte sur le rĂ©el dâune sociĂ©tĂ©, et ne sâarrange pas des commoditĂ©s de conversation sur des rĂ©alitĂ©s. Chez Louis-Vincent Thomas, le dĂ©ni de la mort est non pas affirmĂ© comme une vĂ©ritĂ©, mais il constitue un point de vue perceptif permettant lâagencement dâune discussion. Limiter toute lâĆuvre de Thomas Ă une expression, câest oublier que ses travaux se poursuivent jusque dans les annĂ©es 1990. Et que dans La Mort en question, par exemple, Thomas parle de mort retrouvĂ©e ». Mais cela sans pour autant cesser dâinterroger un escamotage qui se poursuit. Le dĂ©ni dans le rĂ©el ConsĂ©quence et finalement cause Ă la fois dâune mort interdite » comme le disait Philippe AriĂšs, la diminution des solidaritĂ©s devant la mort, autour du mourant et autour du dĂ©funt, met Ă mal lâĂ©laboration de la souffrance et lâexpression nĂ©cessaire du deuil. Louis-Vincent Thomas opposait des sociĂ©tĂ©s Ă accumulation des hommes » les sociĂ©tĂ©s nĂ©gro-africaines aux sociĂ©tĂ©s occidentales Ă accumulation des biens ». La montĂ©e de lâindividualisme associĂ© Ă la compĂ©tition et Ă la recherche du profit, la domination des valeurs de consommation et de production, et lâhĂ©gĂ©monie dâune Science et dâune Technique donnant lâespoir fou dâune mort vaincue ou qui pourrait se ravaler au rang de la maladie, Ă©taient selon lui les sources dâun dĂ©ni de la mort. Faire comme si la mort nâexistait pas ou surtout comme si elle nâavait aucune importance, caractĂ©rise une sociĂ©tĂ© Ă la fois en panne de sens et de solidaritĂ©. Bien plus que la peur ou que lâangoisse de mort qui sont universelles et que les sociĂ©tĂ©s traditionnelles mettent en scĂšne en Ă©laborant un rapport collectif Ă la mort et aux dĂ©funts, câest ce dĂ©ni dans le rĂ©el qui marque la modernitĂ©. Il ne sâagit plus dâun dĂ©ni symbolique comme dans les sociĂ©tĂ©s traditionnelles. En sâaffrontant Ă la finitude, ces sociĂ©tĂ©s agencent une transcendance elles mettent la mort Ă distance, et construisent dans cette distanciation nĂ©cessaire toute lâhumanitĂ© dâun rapport Ă lâimpensable qui fonde la communautĂ©. Chez nous cette distanciation fait dĂ©faut, et ne restent plus que les possibilitĂ©s dâune esquive ou dâune intĂ©gration mortifĂšre de la mort dans la vie leur disjonction absurde ou leur dangereuse confusion. En faisant lâĂ©conomie dâune socialisation de la mort, du mourir et de lâespace des dĂ©funts, câest la socialisation de lâexistence elle-mĂȘme que lâon diminue. TechnicitĂ© et professionnalisation de lâapproche du malade ou du mort, diminuent lâefficacitĂ© des rĂ©seaux de sociabilitĂ©. Au plan du sens, câest lâĂ©laboration des rapports sociaux qui se trouve aussi bien menacĂ©e. Tandis que lâimaginaire se rĂ©fugie dans le scĂ©nario dâune Toute-puissance narcissique, la construction symbolique semble enrayĂ©e du fait mĂȘme de la disjonction entre vie et mort. Disjonction qui nâa pas seulement comme effet de cacher la mort comme on le dit, mais de produire la confusion de la vie et de la mort, de la souffrance et de la jouissance, du risque de mourir et de la sensation » de vivre. La mort qui nâest plus situĂ©e en une place, envahit vite toute lâexistence. Jean Baudrillard lâa bien dit Notre mort Ă nous, câest quelquâun qui fout le camp ». A partir dâune situation aussi faible, que peut-on faire si ce nâest tenter de gĂ©rer des croyances incroyables avec des pratiques forcĂ©ment mal adĂ©quates? Jâoserai dire ceci nous avons rĂ©ussi Ă tout produire de ce qui nous a logiquement, et Ă prĂ©sent logistiquement, sĂ©parĂ©s dâune mise en rapport avec les dĂ©funts. Nous avons inventĂ© la mort comme Ă©vĂ©nement Ă gĂ©rer individuellement, le souci de la tombe Ă choisir de façon personnelle, la cĂ©rĂ©monie Ă orchestrer entre soi, tout cela en dehors de lâimpĂ©ratif culturel dâune sĂ©paration dâavec les morts et du remaniement symbolique quâoblige cette sĂ©paration. Lâenjeu de fond câest lâinstitution culturelle devant la limite de la mort. Jacques Derrida parle dâune frontiĂšre il insiste avec ce mot, alors quâil sâagit dĂ©finitivement dâune limite. La mort nâa jamais Ă©tĂ© une frontiĂšre » pour dâautres cultures, et elle ne peut jamais lâĂȘtre pour aucune culture fondamentale, donc pour nous aussi. LâĂ©vĂ©nement de la mort ne se traite pas comme une malheureuse disparition, mais bien comme un traumatisme qui touche Ă la fois la personne et la sociĂ©tĂ© et, aussi bien, les survivants et le mort. Ainsi peut-on comprendre ce quâĂ©crit Henri Michaux sous forme de fiction » dans Au Pays de la Magie Il est des morts embarrassĂ©s, malades. Il en est qui deviennent fous. Ici entrent en scĂšne les Psychiatres pour morts. Leur tĂąche est dâorienter les malheureux, de les guĂ©rir des troubles que la mort leur apporta. » Et Michaux ajoute Cette profession demande beaucoup de dĂ©licatesse.» De mĂȘme faut-il beaucoup de dĂ©licatesse culturelle pour que le vivant se sĂ©pare du mort, et quâil entre dans la possibilitĂ© de remanier un rapport modifiĂ©. Remaniement qui ne le concerne pas lui seulement en son for intĂ©rieur. Mais qui touche Ă la place quâil a Ă occuper autrement lui-mĂȘme, dans sa relation aux autres gĂ©nĂ©rations. On se situe ici Ă la croisĂ©e de la personne et de la culture, au croisement du psychique et du social, et lâon pourrait dire au lieu mĂȘme de ce qui fait culture » pour le sujet. La ritualitĂ© funĂ©raire, quelles que soient ses formes de mises en scĂšne, constitue fondamentalement une dĂ©fense culturelle » au sens oĂč Georges Devereux employait cette expression. Ce travail culturel que constitue le deuil â Ă la fois Ă©preuve et soutien, affliction et intelligence » de vie â est dâautant plus complexe et comprend dâautant plus dâenjeux sociaux en sociĂ©tĂ© nĂ©gro-africaine que la personne qui meurt est bien une personne et non pas seulement un individu ». Une personne plurielle, qui comprend toujours de lâautre visible et invisible en elle-mĂȘme. Plusieurs reprĂ©sentations du corps, plusieurs Ăąmes, plusieurs esprits, et plusieurs rapports aux morts et aux ancĂȘtres... Le nom, le souffle, le double construisent aussi une personnalitĂ© complexe et cohĂ©rente qui prend sens dans les rĂ©seaux de participations, de correspondances et dâoppositions oĂč elle est situĂ©e. Toutefois, nous autres modernes, sommes-nous si sĂ»rs de notre stricte individualitĂ©? La mort comme horizon La conception que les sociĂ©tĂ©s traditionnelles ont de la mort, nâa rien de la sinistre fin ou de la dĂ©risoire finition » dont il faudrait aujourdâhui avoir individuellement maĂźtrise, cela dans la droite ligne dâun dĂ©ni de la mort nullement dĂ©passĂ©; ni rien non plus de la grandiloquence de la grande question » philosophique, que, bien entendu, seule la » philosophie saurait justement aborder. On peut se demander avec quel aveuglement Jacques Derrida qui pouvait oser dire Ă Cerisy quâAriĂšs et Thomas Ă©taient des crĂ©tins », peut Ă©crire que Thomas veut rĂ©soudre le problĂšme de la mort, ni plus ni moins », et parler au sujet dâune anthropologie de niaiseries de prĂ©dication comparatiste ». On peut aussi sâinterroger sur le sens quâil faudrait donner au reproche que fait Derrida Ă AriĂšs et Thomas de ne sâĂȘtre pas demandĂ© ce que la mort est », et sur le sens de son contenu. Non seulement il est douteux que des chercheurs qui auront si longuement travaillĂ© sur cette question ne se soient pas â parce quâils Ă©taient historien ou anthropologue, câest Ă dire sans capacitĂ© de penser finalement?! â posĂ© la moindre question Ă son propos. Câest Ă dire aussi bien sur le sens du travail quâils accomplissaient. La partition que fait Derrida entre philosophie et sciences humaines est Ă©videmment navrante, par sa prĂ©tention et lâobscurantisme positiviste reconduit qui sây profilent. Mais le contenu du reproche â ne pas sâĂȘtre posĂ© la question Quâest ce que la mort? » â, relĂšve bien dâune position et non pas du tout dâune profondeur ou dâune vĂ©ritĂ© depuis laquelle pourrait se juger des travaux dont il faudrait dâemblĂ©e dĂ©cider de lâinfĂ©rioritĂ©. Il sâagit en fait dâattitude Ă©thique, comme le dit bien Jean-Marie Brohm ou on indexe la vie sur la mort, ou la mort sur la vie et la survie; [...]; lâinachĂšvement sur lâachĂšvement ultime le rien, ou lâachĂšvement provisoire sur lâinachĂšvement Ă©ternel le quelque chose toujours-Ă -advenir qui dĂ©borde la mort.» Lâanthropologie de la mort de Thomas est profondĂ©ment vitaliste. Et les sociĂ©tĂ©s africaines dont il parle aussi bien. Tel nâest pas le cas de nombre de discours sur la mort qui prolifĂšrent aujourdâhui et qui nous enjoignant pour notre bien dâaccepter la mort, nous engage vers des voies sinistres. Tel nâest pas le caractĂšre Ă©mergeant de nombre dâĂ©tudes qui croient braver le tabou social ». Tel nâest pas le cas, dirais-je encore, dâune thanatologie officialisĂ©e et mĂ©diatisĂ©e qui veut sâapproprier les travaux de Louis-Vincent Thomas en un bref rappel Ă©logieux, pour mieux sâen dĂ©barrasser. PrĂ©cisons si Thomas peut Ă©crire, sans aucune naĂŻvetĂ© nostalgique que les sociĂ©tĂ©s dites traditionnelles trouvent une rĂ©solution des problĂšmes de la mort », câest Ă©videmment comparativement quâil faut le comprendre. Et donc ce quâil sâagit de comprendre câest une vision de lâexistence et de la vie oĂč la mort nâest pas ce quâelle devient dans un monde occidental câest Ă dire la frontiĂšre Ă passer chacun lâun aprĂšs lâautre. La rĂ©solution en question ne signifie nullement que Thomas croit que ça va sâarranger », comme le pense Derrida. Il sâagit dâattaquer la logique socio-politique du dĂ©ni de la mort non pas une sentimentalitĂ© comme je lâai dĂ©jĂ dit, mais un dispositif structurel auquel Derrida ne semble pas avoir compris grand chose il croit quâil sâagit dâune affirmation imprudente ». Or nous ne sommes nullement sortis du refus de la limite que signifie ce dĂ©ni, et la fragilisation du rapport aux dĂ©funts ne saurait beaucoup nous y aider. En parlant dâune anthropologie vitaliste, jâai bien sĂ»r conscience de paraĂźtre naĂŻf. Moi aussi, je croirais peut-ĂȘtre que ça va sâarranger... Moi aussi, comme celui Ă qui je dois ma formation et que chercherais ici Ă dĂ©fendre avec un zĂšle peut-ĂȘtre ambigu, je serais candide. Car que valent les rites des primitifs », que pĂšsent conceptuellement ces cultures en face du Dasein et son ĂȘtre pour la fin »? Eh bien ils valent exactement de leçons pour nous protĂ©ger de notre folie. La question principale nâest pas de savoir ce quâest la mort, mais ce que nous faisons des morts, et aussi bien ce quâils font de nous. Câest au travers de la ritualisation du rapport aux dĂ©funts, que la mort fait sens, ou ne fait pas sens. Les spiritualismes dâilluminĂ©s qui se rencontrent aujourdâhui tĂ©moignent bien de la faillite qui menace la construction de lâespace des morts. On voudrait encore voir ceux qui ne sont plus, communiquer avec eux. Il ne sâagit pas seulement de deuils pathologiques, mais de lâaffaiblissement de dĂ©fenses culturelles ». Au lieu dâarticuler symboliquement le monde des morts avec notre monde, nous serions rendus Ă lâobligation, faute dâautres moyens, dâaller vers eux pour quâils nous aident Ă demeurer ici. Sous couleur dâune acceptation de la mort et dâune peur du trĂ©pas qui serait enfin maĂźtrisĂ©e » toujours la mĂȘme chanson, câest un engagement sinistre vers la fin de lâexistence qui se produit. On veut mordre sur le territoire de la mort, mais câest la mort qui envahit lâexistence, faute de rĂ©gulations signifiantes qui distancient les dĂ©funts et les laissent ĂȘtre Ă leur place. Ou je dirais que lâon harcĂšle les morts faute de savoir en quelle place se tenir soi-mĂȘme. On parle beaucoup de LumiĂšre » pour dire le savoir quâon aurait, ou quâon devrait avoir, sur les choses Ă©nigmatiques, sur lâinvisible quâil faudrait Ă©clairer, sur lâopaque quâil faudrait rendre transparent. Mais est-ce, pour un sociologue, user mal des connaissances des philosophes que de rappeler ce quâĂ©crit Jean-Luc Marion sur un trop de lumiĂšre EcrasĂ©e de lumiĂšre, la chose sâobscurcit dâautant. Non quâelle disparaisse Ă la vue â mais parce que aucun monde ne lâaccueille, et parce quâelle nâen mĂ©nage aucun.» Devant cette manipulation dâun entre-deux mondes qui refuserait de se savoir en tant que tel, devant la volontĂ© de produire, de rĂ©aliser concrĂštement un seul et mĂȘme monde oĂč vivants et morts seraient co-prĂ©sents, comment ne pas rappeler cette mise en garde Rien ne menace tant lâhomme que de ne pas savoir en quel retrait il lui revient de demeurer ». VoilĂ ce que peut signifier le vitalisme au sens oĂč je lâentends. Non pas une positivisation sotte de la vie », mais une prudence qui ne serait pas animĂ©e du seul souci de la sĂ©curitĂ©. Une prudence qui, bien au contraire, fait accueillir lâautre, lâautre dĂ©funt, et lâaltĂ©ritĂ© que dessine le visage de tout homme. Le lien qui sây oblige. Il existe une sociologie simple qui veut Ă©tudier les tendances quâelle constate. Une tendance » existe en vĂ©ritĂ© depuis longtemps nous portant Ă accepter la mort, et Ă en prĂ©voir lâamĂ©nagement. Câest Ă notre propre cercueil quâil faut songer. Câest aussi de notre maniĂšre de mourir quâil faut se prĂ©occuper. La tendance que la sociologie de lâindividu » constate, existe depuis plusieurs dĂ©cennies. Dans les annĂ©es 1970, Jean Baudrillard parlait des motels suicide ». LâidĂ©e pouvait sembler incongrue et lâon pouvait se demander si lâessayiste » nâavait pas inventer de toutes piĂšces leur existence. LâidĂ©e pourrait aujourdâhui sembler normale et lâon peut se demander sâil ne faudrait pas programmer la date de son propre dĂ©cĂšs en lâinscrivant dans son agenda. Baudrillard expliquait que le systĂšme » nâa plus au fond besoin de nous. TĂ©moins, ces tĂ©lĂ©viseurs qui restent toujours allumĂ©s dans des chambres dâhĂŽtel pourtant sans clientĂšle. Bien loin donner sa place Ă un individu acteur », le systĂšme » nous enjoint de demander notre propre disparition. Et cela comme sâil accĂ©dait Ă notre demande, comme sâil rĂ©pondait Ă notre aspiration ». De fait, il y a un aspirateur. Patrick Baudry Professeur de sociologie UniversitĂ© Bordeaux 3 Date de crĂ©ation2013-08-09 Date de modification2013-10-25
Ily a au fond de nous un instinct puissant qui nous dit que notre vie ne finit pas avec la mort. Cette soif de vie a trouvé sa réponse réelle et
Jusqu'Ă un passĂ© rĂ©cent, le cimetiĂšre au Ă©tait rĂ©uni l'ensemble d'une famille Ă©tait le lieu de destination Ă©vident de son propre corps aprĂšs sa propre mort. Aujourd'hui, cela ne va plus de soi... AFP/ANDRE DURAND Le tabou de la mort est un fait contemporain. Parmi les questions qu'il soulĂšve et auxquelles il semble de plus en plus difficile de rĂ©pondre "OĂč vais-je me faire enterrer? OĂč enterrer mon pĂšre, ma mĂšre?" La rĂ©ponse allait encore de soi dans un passĂ© rĂ©cent, plus aujourd'hui... Pour quelle raison? Le rattachement Ă une territorialitĂ© n'est plus une Ă©vidence, en effet, et la mort n'y Ă©chappe pas. Jusqu'Ă un passĂ© rĂ©cent, disons avant la deuxiĂšme guerre mondiale, le cimetiĂšre oĂč Ă©tait rĂ©uni l'ensemble d'une famille Ă©tait forcĂ©ment le lieu de destination de son propre corps aprĂšs sa propre mort. On n'avait mĂȘme pas Ă y penser. Il Ă©tait au bout du village, c'est lĂ qu'on serait un jour. Tout ceci n'est plus une Ă©vidence. Ce phĂ©nomĂšne tient Ă plusieurs raisons qui se conjuguent l'urbanisation - nous sommes passĂ©s de la sociĂ©tĂ© du village Ă celle de l'agglomĂ©ration urbaine ; l'Ă©clatement des familles ; le fait que la profession exercĂ©e ne se fait plus dans le pĂ©rimĂštre du lieu de naissance, les dĂ©placements devenant la rĂšgle. Un jour, vous ĂȘtes mutĂ© Ă Tokyo, le lendemain Ă Metz... Tout devient plus compliquĂ©. VoilĂ pour les aspects socio-dĂ©mographiques, les transformations objectives des modes de vie. Au-delĂ , qu'est-ce que cela traduit de notre rapport Ă la mort?Notre sociĂ©tĂ©, c'est une banalitĂ© de le dire, ne se penche plus beaucoup sur la mort. Plus tard on y pense, mieux c'est. L'essor de la crĂ©mation tient aussi Ă cela, d'ailleurs, entre autres raisons. On n'est plus attachĂ© Ă un territoire, donc cela fait moins de sens d'ĂȘtre enterrĂ© Ă tel ou tel endroit. Le lieu d'inhumation a moins de signification que par le passĂ©. Jusqu'Ă ce qu'on interdise, il y a quelques annĂ©es, la possibilitĂ© de conserver l'urne chez soi, on pouvait de la sorte disposer de ses cendres comme on le voulait, ce qui rendait la mort comme hors lieu, hors du cimetiĂšre, lequel est aussi un espace collectif. On pouvait se dire "Le lieu des morts n'est pas celui de mon mort". Symptomatique d'un certain dĂ©sarroi social. Ramener le mort chez soi, c'est aller contre la rĂšgle fondamentale de la ritualitĂ© funĂ©raire, qui veut qu'on se sĂ©pare des morts. Ce dĂ©tachement de la territorialitĂ© est rĂ©cent, dites-vous. Oui, un saut a Ă©tĂ© franchi rĂ©cemment, mĂȘme s'il se prĂ©parait sans doute de longue date, et on peut le voir, lĂ encore, Ă travers la crĂ©mation. L'Eglise catholique a levĂ© l'interdiction de la crĂ©mation aprĂšs la deuxiĂšme guerre mondiale, relativement rĂ©cemment, donc. Dans les annĂ©es 1970, personne n'aurait alors imaginĂ© qu'elle progresserait comme elle l'a fait Ă partir des annĂ©es 1990. Aujourd'hui, un peu plus d'un Français sur deux l'envisage. Dans les annĂ©es 1970 et 1980, la crĂ©mation relevait d'une certaine vision du monde, d'une posture militante. A prĂ©sent, elle n'apparaĂźt plus comme un choix diffĂ©renciĂ© mais comme un option qui dĂ©coule aussi de ce dĂ©tachement du territoire et de cette logique d'urbanisation qui caractĂ©rise notre culture globale. On trouve des maisons funĂ©raires mĂȘme hors des grandes villes, mĂȘme Ă Sainte-Foy-la-Grande ! On peut se dire que c'Ă©tait rassurant, en quelque sorte, de savoir que l'on reposerait Ă tel endroit un jour... Qu'engendre cette incertitude nouvelle?Offre limitĂ©e. 2 mois pour 1⏠sans engagement La ritualitĂ© funĂ©raire n'est pas seulement une coutume, elle agit aussi sur l'Ă©quilibre socio-psychique des personnes. Elle s'inscrit dans notre mĂ©moire collective. Ces changements nous questionnement Ă©videmment trĂšs profondĂ©ment par rapport Ă notre propre finitude, nos relations avec nos proches... Comment pourra-t-on Ă©tayer un souvenir s'il n'est plus rattachĂ© Ă un lieu, transmettre une mĂ©moire familiale? Autant de questions qui se posent. Nous faisons comme si tout ceci tout Ă©tait indiffĂ©rent, mais ce n'est pas vrai. Nous ne sommes pas indiffĂ©rents Ă notre propre devenir. Nous avons besoin de nous reprĂ©senter cet irreprĂ©sentable et nous ne pouvons pas faire n'importe quoi de notre propre corps, dans l'indiffĂ©rence de la souffrance de nos proches. Une Ă©volution notable, par ailleurs des entreprises funĂ©raires proposent de plus en plus, sur leur site Internet, d'aller se recueillir virtuellement, en photo, sur la tombe d'un proche, d'aller visiter le cimetiĂšre, de payer des fleurs qui y seront dĂ©posĂ©es... On met au point des services censĂ©s combler la distance physique "Je suis Ă Bordeaux, mon pĂšre est enterrĂ© Ă Strasbourg..." La ritualitĂ© funĂ©raire serait donc moins importante, aux yeux des Français?Pas du tout, et c'est aussi toute la question. La Toussaint, on le voit bien, reste un jour trĂšs important c'est l'un des jours oĂč il y a le plus de circulation en France, ce qui veut dire que les gens se dĂ©placent. C'est aussi l'un des jours oĂč l'on achĂšte le plus de fleurs. Ce n'est donc pas du tout indiffĂ©rent. Le fait de ne plus savoir oĂč l'on va ĂȘtre enterrĂ© est plus marquĂ© Ă la ville qu'Ă la entendu. Dans les villages, on est encore enterrĂ© de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration et on y trouve encore une prĂ©sence des signes sociaux de la mort, une sonoritĂ© le clocher du village, le glas..., qu'on n'a plus en ville, oĂč la mort n'est plus perceptible. Voyez le corbillard et l'Ă©cart de culture entre ce qu'on peut en voir aujourd'hui et ce qui en est montrĂ©, par exemple, dans Le Corbeau, le film de Clouzot, qui ne date pas non plus du Moyen Age ! Tout le village qui processionne derriĂšre le corbillard tirĂ© par des chevaux... Dans mon enfance, le corbillard Ă©tait un vĂ©hicule noir qui roulait lentement en bordure du trottoir, n'occupait pas le centre de la chaussĂ©e. Aujourd'hui, il se mĂȘle Ă la circulation, comme les autres vĂ©hicules. La mort Ă©tait inscrite dans le paysage, dans l'espace partagĂ©, elle ne l'est plus. ConsĂ©quence de son refoulement?Oui, ou de son dĂ©ni. Le grand anthropologue Louis-Vincent Thomas parlait, lui, de "dĂ©ni de la mort", expression qui ne signifiait pas seulement le refus ou la peur de la mort mais le fait de faire comme si elle n'existait pas, n'avait aucune importance. Attitude encore plus Ă©trange que la simple peur ou le refus, et qui nous est contemporaine, car elle n'a jamais existĂ© auparavant, Ă aucun moment de l'Histoire. Or notre rapport Ă la vie est en rapport Ă la mort. Quand les choses ne sont plus parlĂ©es, plus signifiĂ©es, quand tout a l'air flottant, incertain, on perd des repĂšres essentiels. On peut aussi s'interroger, en matiĂšre de refoulement, sur la gĂ©nĂ©ralisation des cimetiĂšres pĂ©riurbains, crĂ©es dans les annĂ©es 1980, qui sont souvent des lieux isolĂ©s, Ă l'Ă©cart de la ville, et esthĂ©tiquement, situĂ©s dans des zones de relĂ©gation, entre le centre commercial et la dĂ©chetterie. Vous avez des panneaux oĂč celle-ci cĂŽtoie le crĂ©matorium, vous devez passer, pour y accĂ©der, par une montagne de pneus crevĂ©s ! Ce qui peut pousser Ă s'interroger sur la façon dont les vivants traitent les morts. Pourquoi un tel manque de soin? Patrick Baudry est l'auteur de La Place des morts L'Harmattan, et Pourquoi des soins palliatifs ? Ă©ditions ChĂątelet-Voltaire, 2013 Patrick Baudry est l'auteur de La Place des morts L'Harmattan, et Pourquoi des soins palliatifs ? Ă©ditions ChĂątelet-Voltaire, 2013 Delphine Saubaber Les plus lus OpinionsLa chronique de Sylvain FortPar Sylvain FortLa chronique du Pr Gilles PialouxPar le Pr Gilles PialouxLa chronique de Pierre AssoulinePierre AssoulineEditoAnne Rosencher
Etsi la mort n'existait pas - Le film PubliĂ© le 18 mai 2019 par Lila. Partager cet article. Repost 0. S'inscrire Ă la newsletter. Pour ĂȘtre informĂ© des derniers articles, inscrivez vous : Vous aimerez aussi : 22 mĂ©diums tĂ©moignent. L'infinie puissance du cĆur
Citations âș Vie âș Au fond, si la mort n'existait pas, la vie perdrait son caractĂšre comique. Citation sur la vie de Romain Gary Au fond, si la mort n'existait pas, la vie perdrait son caractĂšre comique. Romain Gary est l'auteur de la citation sur la vie "Au fond, si la mort n'existait pas, la vie perdrait son caractĂšre comique.". Romain Gary est Ă©galement l'auteur des citations Vous ne pouvez pas attendre de la vie d'avoir un sens. Vous devez lui en donner un. Je vois la vie comme une grande course de relais oĂč chacun de nous avant de tomber doit porter plus loin le dĂ©fi d'ĂȘtre un homme. Avec l'amour maternel, la vie nous a fait Ă l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. La vĂ©ritĂ©, c'est qu'il y a une quantitĂ© incroyable de gouttes qui ne font pas dĂ©border le vase. C'est toujours dans les yeux que les gens sont les plus tristes. Je sais que la vie vaut la peine d'ĂȘtre vĂ©cue, que le bonheur est accessible, qu'il suffit simplement de trouver sa vocation profonde, et de se donner Ă ce qu'on aime avec un abandon total de soi. DĂ©jĂ l'humour Ă©tait pour moi ce qu'il devait demeurer toute ma vie une aide nĂ©cessaire, la plus sĂ»re de toutes. Plus on a rien et plus on veut croire. Parce qu'on ne peut pas vivre sans quelqu'un Ă aimer. La vie est pavĂ©e d'occasions perdues. J'ai gagnĂ© beaucoup de batailles dans ma vie, mais j'ai mis beaucoup de temps Ă me faire Ă l'idĂ©e qu'on a beau gagner des batailles, on ne peut pas gagner la guerre. Il ne faut pas avoir peur du bonheur. C'est seulement un bon moment Ă passer. Les cauchemars, c'est ce que les rĂȘves deviennent toujours en vieillissant. Les chemins qui mĂšnent Ă la libertĂ© et Ă la dignitĂ© humaine passent par bien des abĂźmes et ne sauraient donc mener dâun seul coup aux sommets. La mĂ©decine doit avoir le dernier mot et lutter jusqu'au bout pour empĂȘcher que la volontĂ© de Dieu soit faite. J'Ă©tais tellement heureux que je voulais mourir parce que le bonheur il faut le saisir pendant qu'il est lĂ . Je tiens pas tellement Ă ĂȘtre heureux, je prĂ©fĂšre encore la vie. Le bonheur, c'est une belle ordure et une peau de vache et il faudrait lui apprendre Ă vivre. Quand on a envie de crever, le chocolat a encore meilleur goĂ»t que d'habitude. C'est pas nĂ©cessaire d'avoir des raisons pour avoir peur. Copyright © 2022 . Tous droits rĂ©servĂ©s. CGU
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et si la mort n existait pas