Letitre, emprunté à une des Pensées de Pascal, et complété dans la dernière phrase du roman — « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères. » (p. 244) —, met immédiatement le lecteur sur la voie d'une interprétation morale et philosophique de l'oeuvre. Mais s'agit-il encore du divertissement au sens pascalien
“Un roi sans divertissement“. Sortie le 18 de ce mois d’août en librairie, il existe! Le facteur vient de me l’apporter. Dernier ouvrage en compagnie de L’ami Jean Dufaux après “Nez de cuir” d’après La Varende, et “Le Chien de Dieu” sur Céline. Fin d’une trilogie sur la littérature”, nous annonce Jacques Terpant. Voici un Récit graphique “Un roi sans divertissement“. Scénario Jean Dufaux d’après Jean Giono. Dessins Jacques Terpant En guise de feuilleton de l’été, La Croix L’Hebdo vous propose de partir au cœur du Trièves, dans l’Isère, en compagnie de Jean Giono, dans une libre adaptation de l’un de ses chefs-d’œuvre, marquant une rupture de ton, moins bucolique, dans sa production Un roi sans divertissement. Tout à la fois créateur et spectateur de ce récit, l’auteur du Hussard sur le toit et de Regain dépeint comme à son habitude un cadre naturel, ici une montagne pleine de loups et de prédateurs, mais pour mieux encore sonder l’âme des hommes et leurs mystères. L’adaptation de ce roman, paru en 1947, est proposée par deux grands artistes du 9e art le scénariste Jean Dufaux, à qui l’on doit des séries aussi célèbres que Murena, Djinn toutes deux chez Dargaud ou certains opus récents de Blake et Mortimer, et Jacques Terpant, illustrateur réaliste ayant débuté dans le mythique magazine Métal hurlant qui renaîtra en septembre prochain, dessinateur de la série Pirates Casterman ou plus récemment, toujours avec Dufaux, de l’album Nez-de Cuir Futuropolis. Vous y suivrez l’étrange et séduisant Capitaine Langlois, aux prises avec un fait divers glaçant. Derrière l’histoire de cet homme taciturne, Giono et ses adaptateurs nous partagent une réflexion profonde sur les jeux de la création, les pistes que prennent l’écriture et la force de l’imagination pour répondre à la pensée de Pascal, phrase à l’origine de ce récit “Un roi sans divertissement est un homme plein de misères”. Adaptation de l’œuvre de Jean Giono, Un roi sans divertissement, Gallimard, 1947. Futuropolis, août 2021, 17 € “Un roi sans divertissement”, par Jean Dufaux et Jacques Terpant 1843. Le capitaine de gendarmerie Langlois arrive dans un petit village isolé des Trièves, dans les massifs alpins. Un tueur mystérieux y sévit et plusieurs personnes ont disparu. Langlois va mener l’enquête pour, assez vite, trouver le coupable et l’abattre. Un an plus tard, Langlois revient, cette fois comme commandant d’une louveterie et organise à ce titre une chasse au loup qui rappelle sa précédente traque. Il s’installe au village, se marie, avant de se suicider en fumant un bâton de roi sans divertissement 1947, écrit en vingt-sept jours par Jean Giono, est, selon Pierre Michon, un des sommets de la littérature universelle ». 50 ans après la disparition du grand écrivain, Jean Dufaux et Jacques Terpant lui rendent hommage avec une adaptation libre qui magnifie les paysages flamboyants du Trièves, chers à l’ 64 pages Couverture cartonnée 235 x 333 mm ISBN 9782754829717 Date de parution 18/08/2021
B Le Roi est un être humain qui souffre comme les autres de sa condition humaine. Bien qu'il occupe le "plus beau poste du monde" "Un Roi sans divertissement est un homme pleins de misères" (PASCAL : 126 - 127) En effet, le Roi a plus de soucis, de responsabilités que les autres hommes car il a une fonction plus élevée. Si on laisse Le divertissement est pour l’homme le moyen de se détourner — de se divertir au sens propre — de la misère de la vie, de se dissimuler la vanité de sa condition, d’ignorer l’ennui et l’inquiétude, deux termes très forts, à entendre comme une angoisse profonde. Le divertissement, c’est tout ce qui ne mène pas à Dieu, et, si Pascal insiste tant, c’est qu’il lui faut renverser l’obstacle que le divertissement dresse contre son projet d’apologie. Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser » 166-133, énonce un fragment de la liasse Divertissement » des Pensées. Ou encore, un roi sans divertissement est un homme plein de misères » 169-137, expression dont Jean Giono fera le titre d’un de ses meilleurs romans. Le divertissement permet de s’aveugler sur notre monde, que Pascal nous dépeint comme une prison, un terrifiant cachot que nous voulons fuir. Or voici le paradoxe Quand je m’y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent dans la Cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre » 168-136. Oui, qu’il serait bon de se retirer, de s’arrêter !C’était l’idéal de la sagesse antique. Mais non, la pensée de derrière » nous rappelle qu’il n’y a rien de mieux que les vacances ou la retraite pour donner la migraine et la mélancolie. Dès que nous nous arrêtons, nous sommes confrontés à notre condition. […] quand j’ai pensé de plus près et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective et qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près. » La suite à écouter
UnRoi sans divertissement est un homme plein de misères. février 26, 2012 Frédérick Jézégou Un Roi sans divertissement est un homme plein de misères. Pascal
Il peut apparaître présomptueux d’adapter un roman, aussi dense qu’Un Roi sans divertissement, en seulement 84 pages, fussent-elles illustrées. Pourtant, après l’adaptation de Nez de cuir de La Varende et la biographie de Céline Le Chien de Dieu, Jacques Terpant et Jean Dufaux peuvent se prévaloir d’une troisième réussite. Copyright 2021 Futuropolis Le pacifiste et panthéiste Jean Giono s’est vu reprocher à la Libération, injustement, une trop grande proximité intellectuelle avec Vichy. S’il reprend la plume, elle sera désormais distante et ironique. Le roman s’ouvre sur la description lyrique d’un hêtre, personnage central du roman Il y a là un hêtre ; je suis bien persuadé qu’il n’en existe pas de plus beau c’est l’Apollon-citharède des hêtres. Il n’est pas possible qu’il y ait, dans un autre hêtre, où qu’il soit, une peau plus lisse, de couleur plus belle, une carrure plus exacte, des proportions plus justes, plus de noblesse, de grâce et d’éternelle jeunesse …. Le plus extraordinaire est qu’il puisse être si beau et rester si simple. Il est hors de doute qu’il se connaît et qu’il se juge. » Le travail en couleurs directes de Jacques Terpant sur le fameux hêtre, la montagne iséroise, les jeux de lumière sur la neige ou les tâches de sang est magnifique. Le trait réaliste et les couleurs froides parviennent à illustrer, puis à remplacer, les longues et riches descriptions chères à Giono. Les femmes sont belles, mais, fidèle au roman, le visage de Langlois exprime peu de chose, sinon l’amitié et le sens du devoir. Le capitaine de gendarmerie enquête sur des disparitions hivernales dans le Trièves. Il identifie le meurtrier et le tue. Après avoir démissionné, il s’installe au village. Respecté de tous, il conserve ses distances. À l’issue d’une battue, il tue un loup. Il se fait ériger un chalet, se marie, puis se tue. Le livre se clôt sur cette énigmatique sentence Seulement, ce soir-là, il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardèrent comme d’habitude, la petite braise, le petit fanal de voiture, c’était le grésillement de la mèche. Et il y eut, au fond du jardin, l’énorme éclaboussement d’or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C’était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l’univers. Qui a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misères » ? » À l’image de ses amis, le lecteur n’a rien vu venir. Que penser d’une amitié incapable de prévenir, voire même de pressentir, un suicide ? Insondable mystère que celui d’un homme supposé proche. A-t-il été fasciné par le tueur qu’il traquait ? Par le magnétisme de la cruauté ? Les différents narrateurs tentent de percer le mystère. Fort habilement, Jean Dufaux ne s’attache pas au schéma narratif initial, mais réunit les chroniqueurs en un seul personnage, Giono en personne, qui, après avoir écouté les amis du capitaine, s’interroge. Chez le moraliste Blaise Pascal, le divertissement est ce qui, en l’absence d’union à Dieu, rend la vie supportable. Pour oublier notre triste condition mortelle, nous jouons à la balle, au risque nous se perdre. La même proposition chez le païen Giono prend une forme désespérée. Pour se protéger de la perversité du mal, la société a fait de l’assassin et de son bourreau des monstres asociaux. Pourtant, Langlois était un homme comme les autres » qui, plus que les autres », s’ennuyait… Stéphane de Boysson Un Roi sans divertissement Dessin Jacques Terpant Scénario Jean Dufaux, d’après l’œuvre de Jean Giono Éditeur Futuropolis 64 pages – 17 € Parution 18 août 2021 Un Roi sans divertissement — Extrait Copyright 2021 Futuropolis Unhomme sans divertissement est un roi plein de misères PAR QUENTIN DALLORME LE 8 MAI 2020 Le Comptoir « Les Lumières et l’illuminisme. Le jour et la
ContexteLes Pensées sont un ensemble de textes publié de façon posthume. Certains d’entre eux font partie d’un vaste projet de livre l’Apologie de la religion chrétienne. Pascal commence à rédiger ses premiers textes en 1656, à l’époque où il publie les Provinciales, un roman épistolaire qui prend la défense de la doctrine janséniste contre la pensée jésuite. La doctrine janséniste, inspirée des écrits de l’un des pères de l’Église, saint Augustin, nie la liberté de l’Homme. Celui-ci est en effet voué au péché, et seule la grâce divine est en mesure de le sauver. Au contraire, les jésuites estiment que l’Homme peut se détourner du péché en exerçant son libre-arbitre. Pascal travaille à son œuvre jusqu’à sa mort, en 1662. L’édition moderne rétablit l’ordre original voulu par l’auteur. Les Pensées, bien que disparates, constituent une réflexion approfondie sur la morale et la chrétienté, et sont considérées aujourd’hui comme un classique de la littérature religion La défense de la chrétienté et plus précisément du catholicisme est au cœur des Pensées. Pascal s’adresse aux libertins, aux athées et aux jésuites dans une optique argumentative il s’agit de les convaincre de la supériorité du raison Pascal oppose la raison aux passions. La raison est considérée comme l’apanage de l’homme, et comme un moyen de connaître Dieu. Elle est cependant limitée, et le sentiment est tout aussi important. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. »Le divertissement Le divertissement est compris comme un moyen de se détourner de soi et de la conscience de la mort. La condition humaine est en effet considérée comme intrinsèquement malheureuse, quelles que soient les circonstances et le statut social. C’est pourquoi un roi sans divertissement est un homme plein de misères ».RésuméLes Pensées suivent une ébauche de plan, et les éditions modernes distinguent différentes parties selon les périodes d’écriture et les thématiques abordées. Au long de ce recueil, Pascal aborde de nombreux sujets. Il s’agit essentiellement d’un questionnement moral et religieux, où il réfléchit à la nature de l’Homme, ce monstre incompréhensible », à la nature de Dieu et de la relation entre Dieu et l’Homme. Ce recueil est aussi l’occasion d’analyser l’organisation de la société. L’édition établie en 1976 par Philippe Sellier est désormais considérée comme l’édition de référence. Elle est divisée en cinq parties rangées par ordre chronologique. Première partie le projet de juin 1658 Cette première partie, la plus longue et la plus complète, pose les bases de la philosophie pascalienne. Le doute est au cœur de sa pensée, devant le constat de la part inconnaissable de l’homme, du monde, et de Dieu. Il y aborde des thématiques typiques de sa réflexion, par exemple celle du divertissement, conçu comme seule manière d’échapper au vide inhérent à l’existence humaine. Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser. » Deuxième partie les dossiers mis à part en juin 1658 Cette partie aborde notamment le thème des miracles. Ceux-ci seraient au fondement du désir de Pascal d’écrire un livre, après avoir été témoin de la guérison miraculeuse de sa nièce, Marguerite Perrier. Cet événement renouvelle et renforce sa foi, mais il finit par juger l’argument du miracle insuffisant pour convertir les athées. Troisième partie les derniers dossiers de Pensées mêlées » Pascal y poursuit sa défense de la religion. Mais la pensée religieuse de Pascal se veut avant tout fondée sur la raison et l’intelligence. Chez lui, la foi est une démarche raisonnée. La raison nous commande bien plus impérieusement qu’un maître ; car en désobéissant à l’un on est malheureux et en désobéissant à l’autre on est un sot. » Quatrième partie les développements de juillet 1658 à juillet 1662 Au début de cette partie, on trouve le développement de ce qu’on appelle le pari pascalien ». Pascal y expose l’idée que l’on a tout à gagner en croyant en Dieu, et tout à perdre en n’y croyant pas. Vous avez deux choses à perdre le vrai et le bien, et deux choses à engager votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. » Dans cette partie, Pascal développe également des réflexions sur le peuple juif tel qu’il est décrit et présenté par la Bible. Enfin, des citations de l’Ancien Testament sont compilées et traduites par l’auteur. Cinquième partie les fragments non enregistrés par la seconde copie Cette dernière partie est composée de divers textes aux thématiques variées, sans réelle Mais, malheureux que nous sommes, et plus que s’il n’y avait point de grandeur dans notre condition, nous avons une idée du bonheur et ne pouvons y arriver, nous sentons une image de la vérité et ne possédons que le mensonge, incapables d’ignorer absolument et de savoir certainement, tant il est manifeste que nous avons été dans un degré de perfection dont nous sommes malheureusement déchus. » Le projet de juin 1658, Contrariétés » La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinités de choses qui la surpassent. Elle n’est que faible si elle ne va jusqu’à connaître cela. » Le projet de juin 1658, Soumission et usage de la raison » Nous connaissons l’existence de l’infini, et ignorons sa nature, parce qu’il a étendue comme nous, mais non pas des bornes comme nous. Mais nous ne connaissons ni l’existence ni la nature de Dieu, parce qu’il n’a ni étendue, ni bornes. » Les développements de juillet 1658 à juillet 1662, Discours de la machine » Le sentiment de la fausseté des plaisirs présents et l’ignorance de la vanité des plaisirs absents cause l’inconstance. » Le projet de juin 1658, Misère »
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Jean Giono Un Roi sans divertissement 1947 SOMMAIRE Qu'on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin de l'esprit, sans compagnies et sans divertissements, penser à lui tout à loisir, et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères. [...] Et c'est pourquoi, après leur avoir préparé tant d'affaires, s'ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille de l'employer à se divertir, et jouer, et s'occuper toujours tout entiers.» Pascal, Pensées, 137, 139. I - Genèse de l'œuvre - Le genre de la chronique. Un Roi sans divertissement est contemporain d'une phase sombre dans la vie de Jean Giono. Incarcéré en 1939 au moment de la mobilisation parce qu'il avait signé des publications pacifistes, l'écrivain a été arrêté fin août 1944, quelques jours après le débarquement allié, sur les ordres du Comité de Libération de Manosque, qui lui reproche sa collaboration à la revue La Gerbe. Giono est interné pendant quelques mois, et il est le 9 septembre inscrit sur la liste noire du Comité National des Écrivains, redoutablement actif dans l'épuration. En mars 1945, libéré, il séjourne pendant quatre mois à Marseille chez son ami Gaston Pelous, à l'extrémité du Boulevard Baille, dans l'intimité familiale qu'il a évoquée dans Noé. Un nouveau personnage surgit alors dans son esprit, c'est Angélo, le futur héros de Le Hussard sur le toit, dont Noé nous conte aussi la naissance. C'est donc vraisemblablement au printemps de 1945 que le romancier forme le projet d'un cycle consacré au Hussard avec l'idée, semble?t?il, de faire alterner des épisodes anciens et des épisodes modernes. Du printemps à l'automne 1945, il commence Le Hussard sur le toit, mais, rencontrant des difficultés, il écrit brusquement, au début de l'automne 1946, Un Roi sans divertissement commencé en 1943, suivi immédiatement de Noé. Un Roi, c'est donc une sorte de brusque crochet à l'intérieur du cycle d'Angélo. Ce crochet, ? ou cette parenthèse ? est lié à l'idée de la chronique, germée dès 1937 mais réactivée au printemps de 1946 pour des raisons matérielles. Alors que le cycle d'Angélo est fait de gros romans épais, longs à écrire, des chroniques assez brèves comme Un Roi répondraient mieux en effet à des nécessités alimentaires dans la mesure où Giono était sur la liste noire, "un conte par mois pour l'Amérique permettrait de vivre en attendant". On voit ainsi se former le projet d'œuvres courtes, proches de la nouvelle, écrites "à la volée", en "style récit", conduisant "rapidement au dénouement". Un Roi sans divertissement appartient donc à ce genre nouveau de la chronique, dont l'ensemble est imaginé comme un gigantesque opéra?bouffe formant un cycle de courts récits où alterneraient deux époques, le XIXème siècle et le XXème siècle. Voici ce que disait Giono Composer un opéra?bouffe de la façon la plus libre. Se placer également dans le moderne de la façon suivante. Le I étant Un Roi sans divertissement, le II pourrait être par exemple un récit de voyage à pied, en car, à travers la Drôme, etc. [...], les pays que j'aime. Ce que j'emporte, mon carnier, pipe, livre, tabac. Mes hôtels et auberges. Mes rapports avec les gens [...]. Le III pourrait être une très bucolique histoire d'amour avec Cadiche, la fille aînée de Mme Tim [...]. De temps en temps, venir aux temps actuels ». D'un côté, une suite au drame conté dans Un Roi ; de l'autre, un fantaisiste et actuel récit de voyage mettant en scène l'auteur lui?même on songe aux Choses vues de Victor Hugo, que Giono venait de relire, et au Voyage sentimental de Sterne. Giono s'est expliqué lui?même avec une parfaite netteté sur ce qu'il appelait ses "chroniques" dans la préface de 1962 Le plan complet des chroniques romanesques était fait en 1937. Il comprenait une vingtaine de titres dont quelques?uns étaient définitifs, comme Un Roi sans divertissement, Noé, Les Âmes fortes, Les Grands chemins, Le Moulin de Pologne, L'Iris de Suse etc. [...] Toutes les histoires sont maintenant écrites, certaines sont publiées, d'autres n'ont pas encore atteint le degré de maturité et de correction pour l'être. Il s'agissait pour moi de composer les chroniques, ou la chronique, c'est-à-dire tout le passé d'anecdotes et de souvenirs, de ce "Sud imaginaire" dont j'avais, par mes romans précédents, composé la géographie et les caractères. Je dis bien "Sud imaginaire", et non pas Provence pure et simple. [...] J'ai créé de toutes pièces les pays et les personnages de mes romans. [...] J'avais donc, par un certain nombre de romans, Colline, Un de Baumugnes, Regain, Le Chant du monde, Le Grand troupeau, Batailles dans la Montagne, etc... créé un Sud imaginaire, une sorte de terre australe, et je voulais, par ces chroniques, donner à cette invention géographique sa charpente de faits divers tout aussi imaginaires. Je m'étais d'ailleurs aperçu que dans ce travail d'imagination, le drame du créateur aux prises avec le produit de sa création, ou côte à côte avec lui, avait également un intérêt qu'il fallait souligner, si je voulais donner à mon œuvre sa véritable dimension, son authentique liberté de non?engagement. C'est pourquoi j'avais placé dans les premiers numéros du plan général un livre comme Noé où l'écrivain lui?même est le héros et, vers la fin, plusieurs petits ouvrages où, au contraire, il disparaissait entièrement dans la création livrée brute. [...] Entre ces deux extrêmes le thème même de la chronique me permet d'user de toutes les formes du récit, et même d'en inventer de nouvelles, quand elles sont nécessaires et seulement quand elles sont exigées par le sujet.» Voir sur Amazon On peut ainsi fédérer les chroniques de Giono autour des caractères suivants La chronique se distingue du roman par un style plus narratif, moins descriptif ou moins lyrique. Le personnage y devient plus important que la nature. Le temps y est déterminant. Les chroniques sont historiquement situées aux XIXème et XXème siècles, avec des glissements d'un siècle à l'autre. Il ne s'agit pas d'histoires ni de romans historiques, mais d'annales, rapportées selon l'ordre du temps, avec l'opacité d'une pure chronologie, et constituées de détails de vies individuelles plus que d'un tableau d'époque. Les chroniques s'inscrivent dans un milieu, un Sud imaginaire, c'est-à-dire un groupe social, une réalité plus sociologique que géographique. On a souvent tort en effet de confondre ce "Sud mental" avec la Provence Giono n'est rien moins qu'un écrivain régionaliste !. Dans Un Roi sans divertissement, les lieux sont certes parfaitement identifiables la région de Lalley, dans le Trièves, aux confins de l'Isère et de la Drôme, mais c'est une région que Giono s'est réappropriée. De ce "cloître de montagnes", il a pu dire "C'est de ce pays au fond que j'ai été fait pendant plus de 20 ans" Journal, 1946. La chronique raconte un fait divers à portée métaphysique ce qui est en cause ici, c'est la condition humaine. Mais qu'on n'en attende pas non plus de leçon ». L'incertitude maintenue sur les mobiles des personnages et même sur leurs actes se contente tout au plus de poser des questions fondamentales. A la différence des romans, la présence du narrateur ou du récitant peut être concurrencée par une succession de "témoins" auprès desquels il mène une sorte d'enquête. Ce n'est que par la reconstitution de ces fragments, comme dans un puzzle, que le lecteur peut prétendre appréhender les ressorts fondamentaux de l'intrigue et des personnages. II - Temporalité et narration. Le livre, écrit Giono, est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'Arbre, puis la victime, nous avons commencé par un être inanimé, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscité l'assassin tout simplement, et après, l'assassin a suscité le justicier. C'était le roman du justicier que j'ai écrit. C'était celui-là que je voulais écrire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien à faire dans l'histoire. » Évinçant plus tard le rôle de l'arbre, Giono a proposé lui-même, dans le Carnet du roman, un résumé possible de l'intrigue d'Un Roi sans divertissement à travers le portrait moral de Langlois, son protagoniste central C'est le drame du justicier qui porte en lui-même les turpitudes qu'il punit chez les autres. Il se tue quand il sait qu'il est capable de s'y livrer. [...] Quelqu'un qui connaîtrait le besoin de cruauté de tous les hommes, étant homme, et, voyant monter en lui cette cruauté, se supprime pour supprimer la cruauté.» Résumé Dans un village du Trièves enfoui sous la neige, ont lieu des événements étranges. Une jeune bergère, Marie Chazottes, disparaît, un homme est attaqué, un porc est mutilé. L'hiver suivant, à nouveau, un homme disparaît. Arrivent alors au village six gendarmes conduits par le capitaine Langlois, chargé de résoudre ces mystères. Nouvelle disparition. L'hiver suivant, Frédéric II, qui possède une scierie à l'écart du village, voit un homme descendre d'un grand hêtre. Il monte dans l'arbre, découvre les cadavres des disparus et suit l'homme jusqu'à Chichilianne. Il apprend son identité c'est un certain M. V. Langlois, à son tour, part à la recherche du criminel, le trouve chez lui, le tue, puis démissionne. Quelques mois plus tard, Langlois revient au village, comme commandant de louveterie. Il s'installe chez Saucisse, une "vieille lorette de Grenoble", qui tient le Café de la Route. Il fréquente le monde de la contrée la créole Mme Tim, le procureur royal de Saint-Baudille, se marie, s'ennuie. Lorsqu'un loup ravage le pays, Langlois le traque et le tue dans une cérémonieuse battue. Dès lors, il comprend que le seul divertissement qui vaille est le meurtre. Il se suicide en fumant un bâton de dynamite pour que la fascination du sang ne fasse pas de lui, à son tour, un assassin. Cette fiction étalée sur quatre années nous est contée dans un système narratif relativement complexe qui consiste en un va-et-vient du temps de l'écriture 1946 au temps de la fiction 1843-1848, en passant par les relais narratifs fournis par des témoins ultérieurs 1868, 1916. Le champ temporel couvert par la fiction se situe ainsi au XIXème siècle, alors que celui de la narration se poursuit jusqu'à l'époque moderne, ce que Giono appelle le "temps présent". Au début de Noé, il évoque ce moment où, Un Roi terminé, le romancier est comme happé par la vie de ses personnages dans un mélange temporel qui est bien celui du roman Ce pays où je viens de vivre sous la neige de 1843 à presque 1920, puisque c'est en 1920 que j'ai imaginé qu'on m'a raconté l'histoire ». Il est facile de repérer les différents mouvements par lesquels le narrateur passe des événements de 1843 une série de disparitions mystérieuses dans un village de montagne aux années du temps présent, où il connaît les descendants de ceux qui ont, soixante-quinze ans auparavant, joué un rôle dans l'histoire. La numérotation des Frédéric I, II, III, IV est l'expression cocasse de cette circulation à travers les époques. Un descendant supposé de lit Gérard de Nerval pendant les vacances. Ici, une allusion au buste de Louis-Philippe, là une évocation de l'huile pour autos Texaco. Quand j'interrogeais Giono, dit Robert Ricatte, sur les raisons qui l'avaient incité à manipuler curieusement dans les chroniques le cours du temps, il invoquait son bon plaisir "Je me suis aperçu que c'était une technique amusante et qui m'offrait des facilités. Jusqu'ici, j'avais écrit des histoires qui commençaient au début, qui se suivaient. J'en avais assez. Ça m'a séduit de mélanger les moments. J'ai voulu ajouter un piment, m'amuser."» Cet amusement a consisté à multiplier, du même coup, les instances de la narration. Et en effet, le narrateur, maître du jeu temporel, glisse, avec des effets plus ou moins cocasses, d'une époque à l'autre parfois, il renonce à occuper une position en surplomb, il disparaît, par exemple, pour laisser la place aux perceptions, à l'angoisse, à l'attente des villageois pendant l'hiver 1843. Le jeu des pronoms est intéressant à étudier, car il correspond à un changement d'instance temporelle en même temps qu'à un changement de point de vue. Car, dès qu'on évoque les divers niveaux temporels, on est renvoyé à la question qui parle ? C'est-à-dire à la désignation du ou des locuteurs. Les caractères de la narration interfèrent avec ces couches temporelles diversifiées A cet ordre de la fiction, schématisé ci-dessus, l'écrivain préfère une tout autre organisation qui coïncide avec l'entrée en scène de plusieurs voix narratives LES POINTS DE VUE les numéros de pages renvoient toujours à l'édition Folio, Gallimard. pages pronoms époque de la narration époque de la fiction commentaires à 51 Je = le narrateur. 1946 1843 Jusqu'ici cette alternance nous fait partager les angoisses d'une famille du village et le point de vue supérieur d'un narrateur qui prépare ses thèmes. On, Nous = collectivité villageoise. 1843 1843 pp. 64 à 80 pas de narrateur apparent. p. 80 Je = Frédéric. 1845 1845 Au cours de la poursuite de les parenthèses nous font pénétrer dans la pensée de Frédéric. p. 86 p. 127 Nous, On = des vieillards Je = l'un d'eux. 1916 1846 Entre le Narrateur et l'histoire, s'installent des relais ainsi ces vieillards qui, "à une certaine époque", "il y a plus de trente ans", lui ont parlé de Langlois. pp. 152 à 160 Je = Saucisse. 1868 1847 Saucisse parle plus de vingt ans après les faits elle s'adresse à ceux de son village, qui ont conservé une vive curiosité à l'égard des événements passés. p. 240 Je = Anselmie. 1868 1847 Rapporté par Saucisse, le récit d'Anselmie nous fait voir, par son regard borné, l'épisode pourtant essentiel de la décapitation de l'oie. p. 243 Je = le narrateur. 1946 1848 Pour le récit rapide du suicide de Langlois, on retrouve le narrateur, capable d'en interpréter le sens symbolique. III- Un récit lacunaire. C'est sans doute une des caractéristiques du roman moderne, par rapport au roman qu'on appelle classique ou traditionnel, que d'être un récit lacunaire, c'est-à-dire un texte qui ne livre pas d'emblée tous les tenants et aboutissants de l'intrigue, et qui, au fond, laisse le lecteur sur sa faim, ne lui disant pas tout ce qu'il aimerait savoir et lui laissant le soin d'interpréter, d'émettre des hypothèses, de se poser des questions. Encore faudrait?il se garder de l'idée simpliste que tout roman classique est d'une clarté parfaite, que les comportements des protagonistes y sont constamment mis en pleine lumière, qu'aucun des éléments de l'histoire racontée ne demeure dans une zone d'ombre. Il y a bien de "silences du récit" l'expression est de Marcel Schwob à propos de Stevenson dans les grands romans du XIXème siècle. Mais c'est un fait que sous l'influence de beaucoup de romanciers étrangers Dostoïevski, Stevenson, Conrad, Henry James le roman français a été progressivement conduit André Gide, avec Les Faux-Monnayeurs, a été un relais important à faire une part de plus en plus belle aux silences du récit. Tel roman de Bernanos, Monsieur Ouine, est un exemple de roman lacunaire. Beaucoup de "nouveaux romans" pourraient être rangés sous cette rubrique. Chez Giono, une chronique comme Les Âmes fortes se présente comme une série de témoignages contradictoires sur un passé lointain ; chacune des protagonistes voit ce passé selon son optique présente, les mots proférés servant autant à le recréer selon la pente du désir ou de la rêverie qu'à être le compte rendu scrupuleux de ce qui a été. Une phrase d'Un Roi sans divertissement semble résumer toute l'esthétique de Giono "On ne voit jamais les choses en plein". L'observateur, aussi bien, n'est pas toujours situé à la meilleure place il arrive même, à plusieurs reprises, qu'il soit hors du lieu où se passe une scène essentielle. D'où tout un art du silence, de l'allusion, de la discrétion, qui vise à ménager des ombres, à respecter des secrets. Mais il faut se garder d'un jugement simpliste, car, dans ce domaine du récit lacunaire, il existe bien des degrés, et l'on est est loin avec Un Roi de ces puzzles auxquels nous ont habitués certains romans récents. D'autant que, d'un autre côté, Un Roi sans divertissement se présente un peu comme un apologue, une illustration saisissante d'une observation de moraliste, à savoir la phrase de Pascal citée à la fin du roman "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères". Cette maxime, au moins a posteriori, inonde de lumière tout le récit. Le prix d'Un Roi, ce qui en fait sans doute un chef-d'œuvre, c'est justement l'effort du romancier pour voiler cette lumière, ménager des zones d'ombre. La manœuvre n'est évidemment jamais d'ordre simplement esthétique l'éclatement des points de vue dans le roman, et les incertitudes qu'ils créent sur ce qui est vraiment su et dit, ressortissent à une conviction morale. Les lacunes du récit nous invitent en effet à la plus extrême prudence quant aux jugements que nous pourrions hâtivement porter sur les personnages, et nous convainquent que, dans ce domaine, tout est bien affaire de point de vue. IV- Une fable métaphysique ? Ce qui frappe le lecteur d'Un Roi, c'est d'abord la verve du conteur, la liberté d'allure, le ton parlé, le caractère parfois familier, toujours savoureux d'un parler pittoresque pour raconter des choses cocasses. Par exemple, le portrait de Martoune "Suivre Martoune n'est pas de la petite bière !" etc... On peut citer aussi l'évocation de Mme Tim, mère et grand?mère, saisissant "au hasard un de ses petits-enfants qu'elle se mettait à pitrogner..." Il faut se rappeler ici la conception que Giono a de la chronique comme opéra?bouffe. Beaucoup d’exemples nous sont ainsi offerts, et beaucoup de nuances, dans la goguenardise, la désinvolture, la cocasserie le portrait d' Anselmie, les circonstances mêmes de la disparition de son mari, le portrait de Delphine, la corpulence de Saucisse et le cheval de Langlois, "cheval noir et qui savait rire", etc. Cette cocasserie du langage jure avec l'atmosphère pesante et même tragique du roman soucieux de désarçonner son lecteur, Giono organise volontiers des contrastes, tel ce hêtre somptueux qui contient les ossements des cadavres, et même un cadavre frais le végétal et les ossements !. Hêtre monstrueux par sa beauté et par ce qu'il porte de façon incongrue, cet "Apollon citharède" des hêtres, c'est l'arbre aux oiseaux et aux cadavres. Autre thème contrasté est le motif du sang vermeil sur la neige. Le goût de la cruauté - et d'une cruauté assez monstrueuse - est ancien chez Giono, mais il a pris chez lui de plus en plus d'importance. Le thème du sang sur la neige apparaît en tout cas dans le roman à plusieurs reprises, sans doute trouvé, comme le suggère Luce Ricatte, dans l'épisode de l'oie blessée du Perceval de Chrétien de Troyes L'oie était blessée au col. Elle saigna trois gouttes de sang, qui se répandirent sur le blanc. On eût dit une couleur naturelle. L'oie n'avait tant de douleur ni de mal qu'il lui fallût rester à terre. Le temps qu'il y soit parvenu, elle s'était déjà envolée. Quand Perceval vit la neige qui était foulée, là ou s'était couchée l'oie, et le sang qui apparaissait autour, il s'appuya sur sa lance pour regarder cette ressemblance. Car le sang et la neige ensemble sont à la ressemblance de la couleur fraîche qui est au visage de son amie. Tout à cette pensée, il s'en oublie lui-même. Pareille était sur son visage cette goutte de vermeil, disposée sur le blanc, à ce qu'étaient ces trois gouttes de sang, apparues sur la neige blanche.» Le Conte du Graal ou Le Roman de Perceval. On peut en relever les occurrences, et apprécier le jeu des contrastes contrastes du blanc et du rouge, du tiède et du froid, de la pulsation et de l'immobilité, de la vie et de la mort. En même temps, se déploie une intensité croissante dans la fascination de Langlois, qui est à son comble quand il regarde un long moment, à la fin du roman, le sang de l’oie sur la neige. Deux autres thèmes essentiels parcourent Un Roi, celui de la fête, et, très lié à ce thème, celui de la parure, des objets et des vêtements de cérémonie. Là encore, c'est sur le mode de la contemplation fascinée qu'apparaît l'éclat des lumières, ou la beauté des verres, des cristaux, des porcelaines sur la table dressée chez Mme Tim. Au cours de la messe de minuit, Langlois avoue avoir été "fortement impressionné" par les candélabres dorés, et par les belles chasubles. Voyez comme il évoque l'ostensoir, "cette chose ronde avec des rayons semblables au soleil". Mais à la fête spontanée, exercice de liberté et d'improvisation, Langlois préfère la cérémonie soigneusement organisée. Ainsi, militaire et monacal, il règle de main de maître la battue au loup. Ce qui donne à la fête son caractère, outre le cérémonial, c'est qu'elle rompt la chaîne des habitudes. Le dimanche de la battue est un "dimanche insolite". La fête, solennelle et cérémonieuse, c'est le divertissement elle est lumière et exaltation sur fond de noir, de néant, de disparition prochaine. Le contraire de la fête, l'enfer de l'absence de fête, c'est sans doute, en contrepoint, l'épisode de la visite à Mme V. Cette veuve aux yeux rougis est une figure de désespoir, et la brusque intrusion de Langlois dans une quotidienneté sans joie le situe peut?être à la source même de ce qui a été chez besoin à tout prix de divertissement, le divertissement suprême étant le meurtre. Car le thème central du roman est, bien sûr, l'ennui, cet ennui que Langlois cherche secrètement à conjurer par une surenchère de fêtes et de cérémonies. Pour peindre cette vacuité, le narrateur évoque aussi bien le silence engourdi des campagnes pp. 15-16 que les rituels par lesquels le héros prétend y échapper chasse au loup, repas chez Mme Tim, messe de minuit réduite à son esthétique... Le lecteur ne dispose que de quelques notations brèves pour mesurer le sens de cette agitation et aussi son échec "L'homme dit que la vie est extrêmement courte." p. 223. Par là, le roman touche à la métaphysique. Loin de proposer à l'ennui qui ronge l'humanité la solution pascalienne, qui ne saurait résider que dans la foi, Giono se limite à l'évocation d'une recherche jamais assouvie de tout ce qui peut le conjurer, fût-ce le meurtre. Mais on ne peut parler ici d'une vision tragique de l'existence car, dans Un Roi, outre une illustration métaphorique de la condition humaine, on retiendra surtout le mélange d'amusement et de monstruosité. Giono écrivait le 12 avril 1946, probablement à propos du Hussard sur le toit "Je manque totalement d'esprit critique. Mes compositions sont monstrueuses et c'est le monstrueux qui m'attire. Pourquoi ne pas lâcher la bride et faire de nécessité vertu ?". Se divertir avec du monstrueux ? Une certaine provocation n'est pas absente de cette intention, d'autant que le narrateur d'Un Roi nous invite souvent à considérer que et Langlois sont "des hommes comme les autres". Simplement, nous ne disposons pas du même système de mesures pour en juger. De ces deux personnages, il importe en tout cas de souligner le naturel, ce goût pour les "choses non geignardes", comme Giono le note dans Noé, qui nous empêche de parler de registre tragique, encore moins de pathétique "Les hommes comme Langlois n'ont pas la terreur d'être solitaires. Ils ont ce que j'appelle un grand naturel. Il n'est pas question pour eux de savoir s'ils aiment ou s'ils ne peuvent pas supporter la solitude, la solitude est dans leur sang, comme dans le sang de tout le monde, mais eux n'en font pas un plat à déguster avec le voisin" Noé.
Dansune tasse de café brûlante. Et assis au fond du canapé, affalé comme un petit vieux. Puis mater une série bien . Lightning Strokes: Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer. Bienvenue sur Lightning Strokes - Forum inspiré de la série Misfits - N'hésitez pas à jeter
Temps de lecture 30 minutes Il est vrai que c’est être misérable, que de se connaître misérable ; mais c’est aussi être grand, que de connaître qu’on est misérable. Ainsi toutes ses misères prouvent sa grandeur. Ce sont misères de grand Seigneur, misères d’un Roi dépossédé. Même s'il dit lui-même que "se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher" 513-4, il est certes contestable de faire de Pascal un philosophe alors qu'il n'a d'autre dessein que de faire l'apologie de la religion chrétienne au regard de la misère de l'homme sans dieu. S'il admet les failles de la raison, c'est pour les boucher immédiatement avec le dogme hérité "Deux excès exclure la raison, n'admettre que la raison". Il est justement intéressant de voir comme le vrai peut venir du faux, et ce que la religion - qui a pris la suite des philosophies du bonheur et de leur échec - peut révéler de nous et de nos faiblesses comme de notre incomplétude. En effet, cette lucidité n'aurait sans doute pas été permise s'il n'en proposait immédiatement le remède trompeur de la foi dans une vérité révélée, autre façon de s'empêcher de penser. Il faut dire que cette voie chrétienne vers le bonheur se distingue du tout au tout des philosophies du bonheur précédentes d'abord par le rejet du moi haïssable jusqu'au sacrifice qui non seulement se prive des plaisirs mais valorise la souffrance ce qui ferait gagner des points pour son ciel. L'essentiel, c'est de se délivrer du souci de soi pour renvoyer la charge de la cause sur un Autre. Cette religion du supplicié comporte incontestablement une dimension masochiste avec l'image sanglante d'un homme cloué à sa croix et suscitant la pitié, supposé prendre sur lui toute la souffrance du monde. Ce douloureux calvaire est on ne peut plus éloigné de l'ataraxie du sage mais s'estime pourtant très supérieur à cette misérable sagesse trop humaine - un Dieu seul pouvant nous sauver ni la raison, ni le plaisir. On n'est pas ici dans la fonction politique de la religion mais dans sa fonction thérapeutique par laquelle elle rejoint malgré tout les philosophies du bonheur, apportant satisfaction à de profonds désirs et de grandes espérances. Une des différences les plus notables, constituant la supériorité du chrétien sur le sage, c'est de reconnaître ses propres péchés et insuffisances, ce qui lui fait adopter une position d'humilité qui contraste avec l'orgueil du maître. C'est un avantage et il faut bien dire que, malgré toutes ses qualités exceptionnelles, il est en effet très difficile de prendre Pascal en modèle. Certes, c'est un génie extraordinairement précoce en mathématique - il a inventé une machine à calculer à 18 ans, écrit des traités géométriques plus jeune encore, prouvé l'existence du vide, etc. Cependant, il avait les nerfs fragiles, il était dépressif, colérique, souffreteux. On est bien dans le pathologique. En octobre 1654, à 31 ans, alors que son carrosse a failli tomber dans le vide, retenu comme par miracle, il en est tellement choqué qu'il en perd conscience et fait une expérience mystique qu'il décrira dans un papier, "le Mémorial", qu'il portait toujours sur lui, cousu dans son veston. Il y aurait beaucoup plus à dire sur son enfance et sa fragilité psychique mais cela suffit à montrer que sa dévotion chrétienne n'avait vraiment rien à voir avec le fameux "pari de Pascal" qui prétend jouer la vérité aux dés en évaluant la probabilité des plaisirs et des peines ici-bas et dans l'au-delà. Même s'il prétend que "il y a trois moyens de croire la raison, la coutume, l'inspiration", il est déjà scandaleux de faire de la foi un calcul incertain, n'ayant rien à voir avec les véritables raisons de nos croyances - toute l'apologie de la religion chrétienne étant bien la démonstration que la religion répond à nos besoins les plus intimes. Mais, là où on frise l'arnaque, c'est que l'application du calcul de probabilité qu'il avait inventé perd absolument tout sens à mettre l'infini d'un côté. Il y a là une forme de "mauvaise foi" incontestable. On aura compris qu'il n'y a nulle bonne raison de donner crédit à ses "pensées" sinon que plusieurs puissent nous sembler étonnamment vraies. Il ne peut être question d'adopter ses croyances mais de reconnaître, dans sa critique implacable, la réalité de nos existences déniée par l'idéalisme et par les philosophies du bonheur, notamment ce terrible ennui qui nous poursuit et nous précipite dans le divertissement pour nous empêcher de penser à nous et à notre avenir. C'est aussi ce qui fait la valeur du travail et rend si invivable le chômage et bien sûr la prison. On ne prend pas assez la mesure de l'importance fondamentale, ontologique, de l'ennui. Les dieux grecs eux-mêmes craignaient l'ennui, un temps sans histoire, ce serait même selon Hésiode la raison de la création du monde et de l'humanité, pour les divertir, de même que, dans la Bible, Eve est créée pour sortir Adam de l'ennui ! Si Pascal voit bien son importance dans la vie de cour d'aristocrates désoeuvrés, s'occupant des jeux les plus futiles, il ne va pas jusqu'à reconnaître que la religion est sans doute le plus grand des divertissements, nous délivrant du non-sens premier et de devoir donner nous-mêmes un sens à notre existence, nous projeter dans le futur forcément collectif et non jouir du présent comme le prétendent toutes les sagesses, ni suivre simplement son destin. Ce que l'ennui manifeste, c'est en effet qu'on ne se satisfait pas du corps ni d'une nature donnée, mais qu'on a besoin d'une cause extérieure, des autres, ou d'un grand Autre sous la forme d'un Dieu hérité du père dont l'avantage est qu'on l'a toujours sous la main ! Sinon, l'ennui profond est bien le sentiment d'un manque, voire la conscience de notre nullité, mais, sauf quand il n'est que l'impatience d'un ailleurs ou de pouvoir se jeter dans l'action, il manifeste plutôt le manque du manque, nos passe-temps rendus à leur vanité, nous laissant inoccupés et sans avenir, manque de désir et de motivation plus encore que d'idéal, et donc sans fin assignable. Il faut rappeler les 3 sortes d'ennui que distinguera Heidegger l'ennui accidentel de l'attente d'un train qui cherche un passe-temps, l'ennui mondain des soirées inutiles qui sont une perte de temps, et l'ennui profond d'une indifférence qui nous concerne intimement. Cet ennui est supposé pouvoir nous ouvrir aux possibles qui pourtant se refusent et serait même au fondement de notre liberté de nous choisir nous-mêmes tout comme nos engagements. Il est ainsi de bon ton à l'époque numérique de regretter le bon temps de l'ennui, nous forçant à la créativité, ce qui n'est pas faux sans doute mais tous nos appareils n'empêchent pas de s'ennuyer et le vrai, c'est que c'est un état très pénible, et même souvent suicidaire à se soustraire au monde, sortir du jeu et de l'illusio, en tout cas la dure épreuve de la durée. La critique du divertissement préfigure la critique de l'aliénation ou du spectacle, bien avant nos technologies, mais, s'il n'y a pas d'harmonie préalable, de nature à suivre, de plaisir satisfaisant, la question doit être reprise sous un autre angle que celle d'une altération, d'une dénaturation dès lors qu'elle est déjà au départ. "La nature de l’homme est toute nature, omne animal. Il n’y a rien qu’on ne rende naturel. Il n’y a naturel qu’on ne fasse perdre". Il semble bien que ce ne soit pas seulement une invention de la religion notre péché originel de ne pas pouvoir se suffire à soi-même, de ne pas avoir de remède véritable contre la conscience de la mort ni aboutir à une fin heureuse "Le dernier acte est toujours sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais". Ce n'est pas une raison pour autant d'accepter l'ordre établi comme un ordre divin, et ne pas chercher à l'améliorer au moins, sous prétexte que ce ne sera jamais parfait et qu'il y aura toujours de la souffrance. L'ennui nous pousse au contraire à l'action et l'engagement même s'il ne devrait plus être possible de promettre le bonheur ou de retrouver une authenticité originelle surtout après l'expérience de la psychanalyse, ici décisive pour continuer la phénoménologie du désir et empêcher de rêver à un homme nouveau. Bien sûr il est plus désespérant, et difficilement supportable, d'admettre l'échec de la philosophie, assez prouvé par l'expérience, s'il n'y a pas de Dieu caché pour nous en consoler et tenir ses promesses comme pour les Romains passant du stoïcisme au christianisme. Après la "mort de Dieu", l'ennui va devenir le Mal du siècle, l'état d'âme du nihilisme confronté à l'absence de sens, confirmation de "la misère de l'homme sans Dieu". Il ne suffit pas de prétendre "vivre sans temps mort" ou multiplier les expériences extrêmes pour conjurer le vide. Cela devrait plutôt nous ramener à plus d'humilité, au savoir de l'ignorance d'un Socrate et sa critique de la sagesse contre les prétentions des demi-savants, mais, en tout cas, l'unité de la pensée et de l'être est bien définitivement brisée malgré les innombrables tentatives de la reconstituer. Il nous faut revenir à nos existences concrètes et nos rapports humains, dans leur finitude, leur singularité, avec leurs mauvais côtés et leurs bonheurs relatifs ou passagers, loin des promesses des grands systèmes et des formules magiques. Reconnaître la réalité serait donc admettre qu'il n'y a pas d'assurance bonheur ni de complète satisfaction possible en ce monde imparfait, nous délivrant ainsi d'une quête malheureuse, d'une lutte contre l'aliénation devenue encore plus aliénante, comme du souci de soi et de sa petite existence le moi haïssable, pour se tourner vers l'enfer des autres dont on veut être aimé ou reconnu ? Si on y gagne de sortir de l'impasse narcissique et de l'obsession de la jouissance ou de nos névroses, ce n'est pas pour autant que ce "divertissement" de soi nous rendrait beaucoup plus heureux puisque, la plupart du temps, ce sont les autres qui nous font souffrir, même si on y trouve aussi le réconfort. Là-dessus, Pascal, qui n'est pas très charitable, ne nous laisse aucune illusion non plus. "Je mets au fait que si tous les hommes savaient ce qu'ils disent les uns des autres, il n'y aurait pas quatre amis dans le monde". A défaut d'un Dieu, ce qui peut nous sauver, c'est la transcendance du monde, le souci de sa préservation, non pas seulement de l'humanité mais de l'existence du monde que nous habitons et de son évolution écologique et cognitive dont nous sommes le résultat et qui nous donne sens. Voilà certainement ce qui peut donner valeur à notre action et nous décider à participer à cette extériorité objective mais c'est sans doute en ne mettant pas trop l'homme au centre de façon autoréférentielle, en arrêtant de l'idéaliser et d'en attendre des merveilles, qu'on pourra se supporter plus facilement et agir ensemble pour le bien commun, voire s'aimer avec tous nos défauts et ce terrible ennui qui nous vide de l'intérieur et dont on ne craint rien tant qu'il ne revienne. Contrariétés étonnantes qui se trouvent dans la nature de l’homme à l’égard de la vérité, du bonheur, et de plusieurs autres choses. Rien n’est plus étrange dans la nature de l’homme que les contrariétés que l’on y découvre à l’égard de toutes choses. Il est fait pour connaître la vérité ; il la désire ardemment, il la cherche ; et cependant quand il tâche de la saisir, il s’éblouit et se confond de telle sorte, qu’il donne sujet de lui en disputer la possession. C’est ce qui a fait naître les deux sectes de Pyrrhoniens [sceptiques] et de Dogmatistes, dont les uns ont voulu ravir à l’homme toute connaissance de la vérité, et les autres tâchent de la lui assurer ; mais chacun avec des raisons si peu vraisemblables qu’elles augmentent la confusion et l’embarras de l’homme, lorsqu’il n’a point d’autre lumière que celle qu’il trouve dans sa nature. [...] Voilà ce qu’est l’homme à l’égard de la vérité. Considérons-le maintenant à l’égard de la félicité qu’il recherche avec tant d’ardeur en toutes ses actions. Car tous les hommes désirent d’être heureux ; cela est sans exception. Quelques différents moyens qu’il y emploient, ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que l’un va à la guerre, et que l’autre n’y va pas, c’est ce même désir qui est dans tous les deux accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui se tuent et qui se pendent. Et cependant depuis un si grand nombre d’années, jamais personne sans la foi n’est arrivé à ce point, où tous tendent continuellement. Tous se plaignent, Princes, sujets ; nobles, roturiers ; vieillards, jeunes ; forts, faibles ; savants, ignorants ; sains, malades ; de tous pays, de tous temps, de tous âges, et de toutes conditions. Une épreuve si longue, si continuelle, et si uniforme devrait bien nous convaincre de l’impuissance où nous sommes, d’arriver au bien par nos efforts. Mais l’exemple ne nous instruit point. Il n’est jamais si parfaitement semblable, qu’il n’y ait quelque délicate différence ; et c’est de là que nous attendons que notre espérance ne sera pas déçue en cette occasion comme en l’autre. Ainsi le présent ne nous satisfaisant jamais, l’espérance nous pipe, et de malheur en malheur nous mène jusqu’à la mort qui en est le comble éternel. [...] La nature nous rendant toujours malheureux en tous états, nos désirs nous figurent un état heureux parce qu’ils joignent à l’état où nous sommes les plaisirs de l’état où nous ne sommes pas et quand nous arriverions à ces plaisirs nous ne serions pas heureux pour cela parce que nous aurions d’autres désirs conformes à ce nouvel état. [...] Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur en nous. Nos passions nous poussent au dehors, quand même les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux—mêmes, et nous appellent, quand même nous n’y pensons pas. Ainsi les Philosophes ont beau dire rentrez en vous mêmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas ; et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots. Car qu’y a-t-il de plus ridicule et de plus vain que ce que proposent Stoïciens, et de plus faux que tous leurs raisonnements ? Ils concluent qu’on peut toujours ce qu’on peut quelquefois, et que puisque le désir de la gloire fait bien faire quelque chose à ceux qu’il possède, les autres le pourront bien aussi. Ce sont des mouvements fiévreux que la santé ne peut imiter. La guerre intérieure de la raison contre les passions a fait que ceux qui ont voulu avoir la paix se sont partagés en deux sectes. Les uns ont voulu renoncer aux passions, et devenir Dieux. Les autres ont voulu y renoncer à la raison, et devenir bêtes. Mais ils ne l’ont pu ni les uns ni les autres ; et la raison demeure toujours qui accuse la bassesse et l’injustice des passions, et trouble le repos de ceux qui s’y abandonnent et les passions sont toujours vivantes dans ceux mêmes qui veulent y renoncer. Voilà ce que peut l’homme par lui-même et par ses propres efforts à l’égard du vrai, et du bien. Nous souhaitons la vérité, et ne trouvons en nous qu’incertitude. Nous cherchons le bonheur, et ne trouvons que misère. Nous sommes incapables de ne pas souhaiter la vérité et le bonheur, et sommes incapables et de certitude et de bonheur. [...] Ce qui m’étonne le plus est de voir que tout le monde n’est pas étonné de sa faiblesse. On agit sérieusement et chacun suit sa condition, non pas parce qu’il est bon en effet de la suivre, puisque la mode en est, mais comme si chacun savait certainement où est la raison et la justice. On se trouve déçu à toute heure et par une plaisante humilité on croit que c’est sa faute et non pas celle de l’art qu’on se vante toujours d’avoir. Mais il est bon qu’il y ait tant de ces gens-là au monde qui ne soient pas pyrrhoniens pour la gloire du pyrrhonisme, afin de montrer que l’homme est bien capable des plus extravagantes opinions, puisqu’il est capable de croire qu’il n’est pas dans cette faiblesse naturelle et inévitable, et de croire, qu’il est au contraire dans la sagesse naturelle. Le désir de reconnaissance Nous avons une si grande idée de l’âme de l’homme, que nous ne pouvons souffrir d’en être méprisés, et de n’être pas dans l’estime d’une âme et toute la félicité des hommes consiste dans cette estime. Si d’un côté cette fausse gloire que les hommes cherchent est une grande marque de leur misère, et de leur bassesse, c’en est une aussi de leur excellence. Car quelques possessions qu’il ait sur la terre, de quelque santé et commodité essentielle qu’il jouisse, il n’est pas satisfait s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme, que quelque avantage qu’il ait dans le monde, il se croit malheureux, s’il n’est placé aussi avantageusement dans la raison de l’homme. C’est la plus belle place du monde rien ne le peut détourner de ce désir ; et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme. Jusque là que ceux qui méprisent le plus les hommes et qui les égalent aux bêtes, en veulent encore être admirés, et se contredisent à eux mêmes par leur propre sentiment ; leur nature qui est plus forte que toute leur raison les convainquant plus fortement de la grandeur de l’homme, que la raison ne les convainc de sa bassesse. L’homme n’est qu’un roseau le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue ; parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever, non de l’espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale. [...] Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous, et en notre propre être nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire ; et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver cet être imaginaire, et négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus à cet être d’imagination nous les détacherions plutôt de nous pour les y joindre ; et nous serions volontiers poltrons, pour acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent à l’un pour l’autre ! Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme. [...] La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme, qu’un goujat, un marmiton, un crocheteur se vante, et veut avoir ses admirateurs. Et les Philosophes mêmes en veulent. Ceux qui écrivent contre la gloire, veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit ; et ceux qui le lisent, veulent avoir la gloire de l’avoir lu ; et moi qui écris ceci, j’ai peut-être cette envie ; et peut être que ceux qui le liront l’auront aussi. [...] Nous sommes si présomptueux, que nous voudrions être connus de toute la terre, et même des gens qui viendront quand nous ne serons plus. Et nous sommes si vains, que l’estime de cinq ou six personnes qui nous environnent nous amuse et nous contente. L'inquiétude humaine Nous ne nous tenons jamais au présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent, et comme pour le hâter ; ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt. Si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas à nous, et ne pensons point au seul qui nous appartient et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont point, et laissons échapper sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine sa pensée. Il la trouvera toujours occupée au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre des lumières, pour disposer l’avenir. Le présent n’est jamais notre but. Le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre objet. Ainsi nous ne vivons jamais ; mais nous espérons de vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est indubitable que nous ne le serons jamais, si nous n’aspirons à une autre béatitude qu’à celle dont on peut jouir en cette vie. Ennui et divertissement Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir. L’homme qui n’aime que soi ne hait rien tant que d’être seul avec soi. Il ne recherche rien que pour soi, et ne fuit rien tant que soi ; parce que quand il se voit, il ne se voit pas tel qu’il se désire, et qu’il trouve en soi-même un amas de misères inévitables, et un vide de bien réels et solides qu’il est incapable de remplir. Qu’on choisisse telle condition qu’on voudra, et qu’on y assemble tous les biens, et toutes les satisfactions qui semblent pouvoir contenter un homme. Si celui qu’on aura mis en cet état est sans occupation, et sans divertissement, et qu’on le laisse faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra pas. Il tombera par nécessité dans des vues affligeantes de l’avenir et si on ne l’occupe hors de lui, le voila nécessairement malheureux. La dignité royale n’est-elle pas assez grande d’elle-même, pour rendre celui qui la possède heureux par la seule vue de ce qu’il est ? Faudra-t-il encore le divertir de cette pensée comme les gens du commun ? Je vois bien, que c’est rendre un homme heureux, que de le détourner de la vue de ses misères domestiques, pour remplir toute sa pensée du soin de bien danser. Mais en sera-t-il de même d’un Roi ? Et sera-t-il plus heureux en s’attachant à ces vains amusements, qu’à la vue de sa grandeur ? Quel objet plus satisfaisant pourrait-on donner à son esprit ? Ne serait-ce pas faire tort à sa joie, d’occuper son âme à penser à ajuster ses pas à la cadence d’un air, ou à placer adroitement une balle ; au lieu de le laisser jouir en repos de la contemplation de la gloire majestueuse qui l’environne ? Qu’on en fasse l’épreuve ; qu’on laisse un Roi tout seul, sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnie, penser à soi tout à loisir ; et l’on verra, qu’un Roi qui se voit, est un homme plein de misères, et qui les ressent comme un autre. Aussi on évite cela soigneusement, et il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des Rois un grand nombre de gens qui veillent à faire succéder le divertissement aux affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir, pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est à dire, qu’ils sont environnés de personnes, qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le Roi ne soit seul, et en état de penser à soi ; sachant qu’il sera malheureux, tout Roi qu’il est, s’il y pense. Aussi la principale chose qui soutient les hommes dans les grandes charges, d’ailleurs si pénibles, c’est qu’ils sont sans cesse détournés de penser à eux. Prenez y garde. Qu’est-ce autre chose d’être Surintendant, Chancelier, premier Président, que d’avoir un grand nombre de gens, qui viennent de tous côtés, pour ne leur laisser pas une heure en la journée où ils puissent penser à eux-mêmes ? Et quand ils sont dans la disgrâce, et qu’on les renvoie à leurs maisons de campagne, où ils ne manquent ni de biens ni de domestiques pour les assister en leurs besoins, ils ne laissent pas d’être misérables, parce que personne ne les empêche plus de songer à eux. De là vient que tant de personnes se plaisent au jeu, à la chasse, et aux autres divertissements qui occupent toute leur âme. Ce n’est pas qu’il y ait en effet du bonheur dans ce que l’on peut acquérir par le moyen de ces jeux, ni qu’on s’imagine que la vraie béatitude soit dans l’argent qu’on peut gagner au jeu, ou dans le lièvre que l’on court. On n’en voudrait pas s’il était offert. Ce n’est pas cet usage mol et paisible, et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition qu’on recherche ; mais c’est le tracas qui nous détourne d’y penser. De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le tumulte du monde ; que la prison est un supplice si horrible ; et qu’il y a si peu de personnes qui soient capables de souffrir la solitude. [...] Les hommes ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l’occupation au dehors, qui vient du ressentiment de leur misère continuelle. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de leur première nature, qui leur fait connaître, que le bonheur n’est en effet que dans le repos. Et de ces deux instincts contraires, il se forme en eux un projet confus, qui se cache à leur vue dans le fonds de leur âme, qui les porte à tendre au repos par l’agitation, et à se figurer toujours, que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera, si, en surmontant quelques difficultés qu’ils envisagent, ils peuvent s’ouvrir par là la porte au repos. Ainsi s’écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontés, le repos devient insupportable. Car, ou l’on pense aux misères qu’on a, ou à celles dont on est menacé. Et quand on se verrait même assez à l’abri de toutes parts, l’ennui de son autorité privée ne laisserait pas de sortir du fonds du cœur, où il a ses racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin. C’est pourquoi lorsque Cineas disait à Pyrrus qui se proposait de jouir du repos avec ses amis après avoir conquis une grande partie du monde, qu’il ferait mieux d’avancer lui même son bonheur, en jouissant dés lors de ce repos, sans l’aller chercher par tant de fatigues, il lui donnait un conseil qui recevait de grandes difficultés, et qui n’était guère plus raisonnable que le dessein de ce jeune ambitieux. L’un et l’autre supposait que l’homme se pût contenter de soi-même et de ses biens présents, sans remplir le vide de son cœur d’espérances imaginaires, ce qui est faux. Pyrrhus ne pouvait être heureux ni devant ni après avoir conquis le monde. Et peut-être que la vie molle que lui conseillait son ministre était encore moins capable de le satisfaire, que l’agitation de tant de guerres, et de tant de voyages qu’il méditait. On doit donc reconnaître, que l’homme est si malheureux, qu’il s’ennuierait même sans aucune cause étrangère d’ennui par le propre état de sa condition naturelle et il est avec cela si vain et si léger, qu’étant plein de mille causes essentielles d’ennui, la moindre bagatelle suffit pour le divertir. De sorte qu’à le considérer sérieusement, il est encore plus à plaindre de ce qu’il se peut divertir à des choses si frivoles et si basses, que de ce qu’il s’afflige de ses misères effectives ; et ses divertissements sont infiniment moins raisonnables que son ennui. L'ignorance savante Si l’homme s’étudiait, il verrait combien il est incapable de passer outre. Comment se pourrait-il qu’une partie connût le tout ? [...] Donc toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiatement et immédiatement, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties. [...] La force est la reine du monde, et non pas l'opinion; mais l'opinion est celle qui use de la force. C'est la force qui fait l'opinion. [...] Les sciences ont deux extrémités qui se touchent. La première est la pure ignorance naturelle, où se trouvent tous les hommes en naissant. L’autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes, qui ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien, et se rencontrent dans cette même ignorance d’où ils étaient partis. Mais c’est une ignorance savante qui se connaît. Ceux d’entre eux qui sont sortis de l’ignorance naturelle, et n’ont pu arriver à l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus. Ceux là troublent le monde, et jugent plus mal de tout que les autres. Le peuple et les habiles composent pour l’ordinaire le train du monde. Les autres le méprisent et en sont méprisés. Sauf exceptions, c'est la version de Port-Royal des Pensées 1670. Article intégré à une petite histoire de la philosophie.
UnRoi sans divertissement est un homme plein de [] - Blaise Pascal citation 1 Un Roi sans divertissement est un homme plein de misères. Pensées (1670) de Blaise Pascal
Société Le confinement est un événement inédit dont le scrutateur politique peut d’ores et déjà tirer une matière féconde. Il est en effet possible d’identifier, sur le masque de la préoccupation sanitaire, de légères fissures au travers desquelles l’œil attentif surprendra peut-être des sursauts inquiétants. Que nous apprend ce confinement, et où pourrait-il nous mener ? Une première chose l’Occident a toujours peur de la mort. Il a cru pouvoir lui passer la camisole des sciences mais l’angoisse est toujours là. Faute d’y trouver un sens spirituel, on a multiplié les outils, les chiffres, les statistiques, les médicaments, les opérations, bref, tout ce qui laissait penser que la faucheuse était sous bon contrôle médicalisé. Pourtant les épidémies s’invitent toujours dans cet univers désinfecté et empaqueté de normes, se permettant même le luxe d’emprunter toutes ces frontières non plus ouvertes mais béantes dont l’effacement était synonyme de liberté. Avec le Covid-19, l’angoisse est revenue, gênante, glissante, insaisissable. Puisque la mort s’invite jusqu’à bousculer chaque soir nos informations télévisées, puisqu’elle doit s’accepter faute d’une maîtrise immédiate de l’épidémie, il faut lui trouver un responsable plus accessible que le néant lui-même. L’envie de pénal Philippe Muray 1945 – 2006 Le Maître moqueur Philippe Muray nous a bien expliqué que l’intrusion du négatif dans le monde de la post-histoire, bien que cloisonné à grand renfort de positivité et de scientisme, déclenchait en retour des chasses à l’homme. Il faut bien condamner celui qui ruine les espérances d’un monde en rose. Voici qu’une filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pénal, pour reprendre les mots de l’auteur, se répand sur les ondes, les écrans, dans les rues désertées. Qui donc ne respecte pas le confinement ? Quel citoyen irresponsable met en péril la vie des autres ? Quel meurtrier anonyme se cache sous ce nauséeux motif de promenade journalière ? Ouvrez l’œil ! C’est donc l’œil bien ouvert que nous assistons à la multiplication de scènes guignolesques dont le ridicule pourrait presque nous faire oublier leurs contours venimeux. Faut-il en citer quelques-unes ? Ainsi une propriétaire de chevaux est-elle verbalisée pour leur avoir porté de l’eau, quand un cycliste écope de la même correction pour avoir fait ses courses sans avoir songé à prendre sa voiture. Faut-il décrire encore cette incroyable saynète des gendarmes rencognés derrière un bosquet de buis, perdus au sommet d’un vaste plateau calcaire et désert et pourtant bien compris dans le rayon autorisé d’un kilomètre, le bourg étant juste au-dessous, attendant de débusquer les rares promeneurs, qui, une fois hélés, s’échapperont à toute allure pour se réfugier dans la forêt ? C’est à peine envisageable en dehors d’un théâtre de boulevard. Flou réglementaire total, imbroglios garantis. Voici qu’une filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pénal, pour reprendre les mots de Muray, se répand sur les ondes, les écrans, dans les rues désertées. » Acrimonie égalitaire Ce qui prêterait moins à sourire, c’est que ce régime d’exception est justifié par des velléités prétendument égalitaires. Ainsi, un citoyen n’ayant aucune chance de contaminer quiconque sera tout de même pointé du doigt s’il désobéit. Entendez-vous ? Alors que tant se mobilisent » enfermés chez eux, dans les villes, un provincial s’autoriserait à faire une petite marche de deux heures autour de chez lui, sur le Causse Noir ? Où serait l’esprit de solidarité ? De tels narcissismes vous désespèrent. Cela nous rappelle que la loi reste une abstraction. Aussi, cet homme qui nage esseulé, la mer étant son unique ruelle, voit-il arriver dare-dare pas moins de quatre policiers en bateau, chacun risquant, au passage, sa santé. Oui on ne nage » pas, Monsieur, même en pleine mer à six heures du matin. Ici commence l’effritement des libertés non matérielles l’accès à l’eau, l’air, la nature. L’idée que de se promener dans une rue avec une densité de trois-cents habitants au kilomètre carré demeure moins subversif qu’une petite marche isolée sur un terrain où ne passent que trois personnes dans la journée – distances de sécurité en sus – ne semble choquer aucune autorité. Reste que l’État peut compter sur le renfort spasmodique de la jalousie et de sa cousine, la délation. Le vieillard au visage travaillé par le soleil, assis près d’un étang infréquenté, sommé de rentrer ses canes, sa portion quotidienne de soleil arrachée, voilà qui interroge. Que fait-on du discernement ? Pourtant, la passion de la traque et de la vigilance pourrait tout autant opérer une singulière virevolte au mépris des contradictions. La fin du confinement risque en effet d’être particulièrement nauséabonde si ceux du front » s’écharpent avec ceux de l’arrière » ; les planqués. Chacun ira de sa justification qui aura pris des risques au travail, qui aura souffert chez lui de la solitude, vigilant, se dépassant lors d’un télétravail plus intense encore que le bureau… La petite bataille des justifications et des égos pointe déjà à l’horizon. De sordides réflexes qui mèneront les deux types de héros » du sanitaire dans la gueule du loup, chacun s’efforçant de démontrer sa participation et son utilité pour le système dans une pitoyable et aride soif de reconnaissance. On entend bien faire respecter l’ordre dont la légitimité chancelante peine à se maintenir sur le socle des ratés accumulés depuis le début de la pandémie. » La guerre c’est la paix et la paix c’est la guerre… les discours changent du jour au lendemain, c’est une grippe ; non, c’est très dangereux ; il faut rester chez soi pour aller travailler ; ceux qui se confinent ont raison ; mais ceux qui travaillent car ils n’ont pas le choix sont des héros ; quand ceux qui travaillent pour simplement travailler sont suspects… tout s’annule, se remplace, se succède dans une agitation militante, poil bien hérissé. Ça remue, ça gesticule. On entend bien faire respecter l’ordre dont la légitimité chancelante peine à se maintenir sur le socle des ratés accumulés depuis le début de la pandémie. Si cette pantomime autoritaire nous est annoncée comme éphémère, les rebondissements constatés laissent comprendre qu’aucune liberté acquise n’est imprenable. Quelle est la pente ? Quel est le gouffre ? Nouvelles castes, nouveaux militants Jean Giono 1895 – 1970 Suivant l’enseignement de Pascal repris par un Giono désabusé, Un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Dans ce régime d’exception, difficile pour l’homme blasé, englué depuis de trop longues années dans le tiède train-train quotidien, de résister à une occasion si attrayante de revêtir le costume du héros à qui revient l’honneur d’adoucir la pente de la courbe et d’amortir le gouffre des chiffres. À ce guerrier convaincu de son importance, revient, pour le salut de tous, la noble mission de traquer sans relâche toute forme d’insoumission et de laisser-aller. Pensons d’abord au lanceur d’alerte. Horrifié par les nouvelles chinoises et transalpines et muni de solides connaissances en statistiques, il redouble d’abnégation pour ouvrir les yeux à des autorités peu emballées sur la nécessité de confiner la population. Parti pour des mois de veille attentive, il s’assure, le regard inquiet, qu’aucune donnée réfractaire ne viennent entacher cette catastrophe si rigoureusement modélisée par ses soins. Il lui serait bien regrettable de constater une augmentation trop faible du taux de mortalité sur l’ensemble de la population ; une trop faible incidence sur le pic épidémique d’un respect approximatif du confinement par ces français sempiternellement légers, incurablement irresponsables ; ou, pire, qu’aucun chiffre significativement alarmant ne ressorte de pays ayant adopté des mesures plus souples. Il serait absolument inadmissible que des voix pourtant expertes et reconnues – comme le Professeur Raoult – pussent tempérer les ardeurs sanitaires, montrer l’existence d’éléments rassurants, et de relativiser certaines prédictions affolantes eut égard à l’histoire. Notons toutefois que, sans l’appui d’une opiniâtre armée civique, notre lanceur d’alerte ne serait qu’une goutte d’eau dans l’océan. Alors qu’on désespérait, les liens de voisinage et de quartier marquent leur grand retour. Saluons ces confinés vigilants haranguant depuis leur balcon cette mère de famille qui est déjà sortie durant la matinée, ces clients prévoyants sermonnant ce jeune homme désinvolte qui ne sort que pour acheter une misérable baguette de pain, sans oublier ces citoyens prévenants n’hésitant plus à relayer sur les réseaux sociaux ces photos de familles se promenant – seules pourtant – le visage découvert, l’air encore trop guilleret. Débordée, la pauvre mairie du XXe arrondissement de Paris, se voit contrainte à appeler au discernement ces innombrables délateurs. S’engouffrant dans la brèche, une cléricature scientifique prend le pouvoir et impose un niveau jamais connu de contrôle social. D’un air suffisant et solennel, les gardiens désignés de la vérité décrètent, à un public retenant son souffle et suspendu à leurs lèvres, les mesures irréfutables qui amortiront la chute et rétabliront l’harmonie. Quand confiner ? À quelle fréquence ? Combien d’années ? On apposera la marque – sera-t-elle effaçable ? – sur des citoyens reconnus positif qui seront dès lors tracés, surveillés, encerclés. Qui peut rester avec qui ? Qui incarcérer en isolement ? Qui peut voir qui ? Et où ? Et pourquoi ? Et comment ? Et à quelle distance ? L’âge sanitaire est arrivé Le terrain est désormais défriché pour qu’une tyrannie sanitaire s’implante. Lorsque la santé publique est en jeu et que les personnes les plus vulnérables sont exposées, un collègue un peu ronchon sera férocement admonesté par son équipe s’il souligne qu’un décret pondu en quelques jours aura suffi pour ébrécher un code du travail. Dans la même veine, une personne critiquant son entreprise qui, après avoir mis ses salariés au chômage partiel, leur demanderait de continuer à produire en télétravail, sera impitoyablement taxée d’égoïste par son entourage. Bardée de courage et désintéressée, dépourvue de la peur d’être frappé par la mort, cette componction sera sans aucun doute renouvelée pour un événement – une canicule pendant les congés estivaux, par exemple – dont le taux de mortalité est de 0% pour la jeunesse sémillante. Les applaudissements persisteront pour des tragédies moins spectaculaires – sans grande messe médiatique avec décompte quotidien de victimes – et aux conséquences réellement dramatiques – hôpitaux saturés, personnel soignant débordé. Dans un proche avenir, le confinement pourrait révéler au grand jour des dégâts imprévus foyers esseulés, privés de leur gagne-pain, affaiblis, angoissés et encore plus vulnérable aux infections, voire affamés. L’heure de remettre le nez dehors approche pour nos héros du confinement. Au nom de la fraternité avec les victimes du confinement, il faudra bien se sacrifier et retourner au travail. Dans un futur plus lointain, la distanciation sociale pourrait se pérenniser et sonner ainsi le glas pour la séculaire sensualité latine. Certaines coutumes comme la bise à la collègue et les poignées de main au chantier pourraient être reléguées aux oubliettes. Quant à partager une assiette de charcuterie entre amis ou à trinquer après une journée harassante n’y pensons plus. Mais tout ça pour quoi ? En demandant aux sportifs parisiens de respecter des horaires spécifiques pour s’aérer et entretenir leur santé sans pour autant nuire au confinement, Anne Hidalgo met le doigt sur le nœud gordien du problème il s’agit de respecter le confinement avant sa santé et son équilibre propre. Revenons à notre scrutateur politique ne pourrait-il pas observer que le confinement finisse par nuire à la santé globale ? Dans un proche avenir, le confinement pourrait révéler au grand jour des dégâts imprévus foyers esseulés, privés de leur gagne-pain, affaiblis, angoissés et encore plus vulnérable aux infections, voire affamés. » Devant des citoyens apeurés et prêt à collaborer, l’État n’aura plus qu’à cueillir les fruits serviles de la mobilisation citoyenne contre le Covid-19 » pour instaurer sa démocratie sanitaire. Tout est prêt pour ne plus bouger de chez soi s’il le faut télétravail, émissions présentées depuis le domicile, sport connecté, apéros virtuels. On ne plonge pas tout de suite une grenouille dans l’eau bouillante. À condition de garder le sourire, tout se passera bien dans l’entreprise connectée. Se promener sera un jeu d’enfant il suffira, les yeux rivés sur le téléphone intelligent, de respecter au millimètre le périmètre autorisé. L’état sanitaire, le maternage autoritaire, dessinent peut-être les lendemains d’une société toujours plus propre ». Se mobiliser dans un monde vide est un luxe l’essentiel est d’y croire. en collaboration avec Taï-Thot Desserts Attention au relâchement l’infantilisation de masse comme stratégie politique » sur la revue Frustration Sur Le Comptoir Coronavirus la maladie du monde malade » Mais aussi Coronavirus Le monde d’après ne sera pas décroissant » Et également Rions avec les conseils confinement » du gouvernement »

Unroi sans divertissement est un homme plein de misères (fragment 142 de l'édition brunschvicg), indiquant ainsi l'interrogation moraliste de l'auteur qui veut montrer que l'homme pour sortir de son ennui. Un monde sans fin (titre original : Pratique pour se faufiler partout discrètement. Il fait suite au roman les piliers de la terre , mais les deux

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Cétait la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l'univers. Qui a dit : ±Un roi sans divertissement est un homme plein de misères» ? Aller au contenu principal BIBLIOTHEQUES. Rechercher. Lancer la recherche. Recherche avancée. Mon
Résumé Détails Compatibilité Autres formats Bären est le chef d'un clan de berserkers. Vivant comme des mercenaires, le groupe enchaîne les petites missions se faisant ainsi gentiment un nom craint et respecté. Le destin du clan bascule le jour où le roi des Vikings décide d'entrer en guerre contre la reine Stuart, dirigeante de l'Angleterre. Le groupe de berserkers arrive à se faire engager dans cette aventure, mais ils vont se rendre compte que lors d'une guerre de cette ampleur, des ennemis inattendus peuvent apparaître. Lire plusexpand_more Titre Bären EAN 9791040513162 Éditeur Librinova Date de parution 19/08/2022 Format ePub Poids du fichier Inconnue Protection Filigrane numérique L'ebook Bären est au format ePub protégé par Filigrane numérique check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur application iOs et Android Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur My Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur le lecteur Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur liseuse. Je crée ma liste d’envies Vous devez être connectée pour pouvoir créer et sauvegarder votre liste d’envies cancel Déjà cliente ?Se connecter Pas encore inscrite ?Mon compte Un compte vous permettra en un clin d’oeil de commander sur notre boutique consulter et suivre vos commandes gérer vos informations personnelles accéder à tous les e-books que vous avez achetés avoir des suggestions de lectures personnalisées Livre non trouvé Oups ! Ce livre n'est malheureusement pas disponible... Il est possible qu’il ne soit pas disponible à la vente dans votre pays, mais exclusivement réservé à la vente depuis un compte domicilié en France. L’abonnement livre numérique Vivlio shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite ! check_circle Chaque mois, bénéficiez d’un crédit valable sur tout le catalogue check_circle Offre sans engagement, résiliez à tout moment ! L’abonnement livre numérique Vivlio shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite ! Vous allez être redirigé vers notre prestataire de paiement Payzen pour renseigner vos coordonnées bancaire Si la redirection ne se fait pas automatiquement, cliquez sur ce lien. Bienvenue parmi nos abonnés ! shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite !
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